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celui-ci ou ton attachait à sa personne quelque objet de nature à rappeler le méfait commis. Ainsi au XIVe siècle on voit un individu, condamné par le Châtelet de Paris pour avoir volé dans les vignes des grappes de raisin qui n’étaient pas mûres, attaché au poteau avec une couronne de verjus sur la tête. Le bigame, le polygame fut jusqu’en 1789 exposé ayant près de lui autant de -quenouilles qu’il avait eu de femmes.

La crainte de l’infamie retenant peu les malfaiteurs, ce fut surtout à la rigueur, à l’atrocité des supplices qu’on recourut pour les effrayer. Cependant on ne renchérit pas toujours en inhumanité dans le châtiment da criminel durant le laps de temps qui sépare la dernière période du moyen âge de la fin de l’ancien régime. Il se produisit à cet égard deux mouvemens en sens opposé. Pour certaines catégories de crimes, on atténua notablement la pénalité, on renonça à ces supplices barbares qui n’étaient plus du tout dans les mœurs. Pour d’autres crimes au contraire, on maintint la cruauté du châtiment, on la raffina même et l’on arriva de la sorte aux plus diaboliques inventions ; non-seulement on aiguisa à plaisir les angoisses, mais on les prolongea par l’association de supplices divers, tandis que, pour les exécutions de coupables ordinaires, on s’efforçait de rendre la mort plus rapide et de moins faire souffrir le patient. Puisque l’on ne supprimait pas le supplice, c’était là au moins un progrès. Les choses se passèrent ainsi pour la pendaison, dont on fît disparaître au XVIIIe siècle les cruels préliminaires : à l’aide de l’échelle, le patient sauta d’un bond dans l’éternité ! En Espagne, on imagina un mode de strangulation plus expéditif encore ; ce fut la garrotte, qui y est demeurée usitée : le criminel, assis sur un siège et le cou passé dans un collier de fer, est étranglé par le moyen d’un tourniquet.

Les supplices adoptés jadis exigeaient d’habiles bourreaux, et l’on n’en rencontrait pas toujours, car alors comme aujourd’hui cette profession faisait horreur ; elle était pourtant convenablement rétribuée[1]. En 1686, M. de Bérulle, intendant d’Auvergne, écrivait au contrôleur général des finances : « Un exécuteur est extrêmement nécessaire ici par l’occupation qu’on lui donne journellement, et l’on a de la peine à en trouver qui sachent leur métier. Un père de l’Oratoire, assistant à la roue un criminel, pensa être tué à coups de

  1. On peut lire dans la Correspondance des contrôleurs-généraux avec les intendans des provinces le tarif qui était adopté en 1686 pour les frais d’exécution en Champagne : pour brûler, 10 livres, pour rompre sur la roue, 15 livres, pour pendre, 10 livres, pour fustiger et flétrir, 7 livres 10 sous, pour faire faire amende honorable, 4 livres, etc. On trouvera dans l’ouvrage de M. J. Loiseleur de curieux détails sur la havée, droit que le bourreau avait au moyen âge sur les principales denrées vendues aux balles. En certaines localités au XVIIe siècle, le bourreau avait un droit sur les vidanges des cours et aisances et la dépouille des bêtes mortes.