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procès-verbal, que l’exécution eut lieu suivant la forme ordonnée. Le malheureux, qui ignorait sans doute qu’il courût en forgeant de la fausse monnaie un tel danger, aurait pu du reste être pendu sans pour cela échapper à l’horreur d’être bouilli, car Beaumanoir dit que le faux monnayeur doit être pendu, puis bouilli. Un supplice non moins épouvantable et imité de celui des vestales ayant manqué à leurs devoirs, qui peut-être pour ce motif fut surtout réservé aux femmes, était celui d’être enterré vivant. Au XIVe siècle, on y condamnait encore, à Paris et ailleurs, les larronnesses. Sous Philippe-Auguste, on l’infligea à des parjures, et les exemples ne sont pas rares de malfaiteurs ainsi punis des vols et des assassinats dont ils s’étaient rendus coupables ; mais dès le XVIe siècle il n’est plus question d’un tel mode d’exécution capitale. Être jeté dans l’eau, cousu dans un sac, est un autre genre de supplice dont on rencontre quelques exemples dans notre histoire et qui donnait à l’exécution un caractère secret, car ces submersions se faisaient d’ordinaire clandestinement. Monstrelet raconte qu’on jeta ainsi à l’eau, en la ville de Bar-sur-Aube, en 1440, le bâtard de Bourbon. C’est aussi cousu dans un sac de cuir qu’avait été précipité à la Seine, en 1417, Louis de Bosredon, condamné par la justice sommaire et secrète du prévôt de Paris, Tanneguy du Chatel, pour avoir été trop avant dans les bonnes grâces d’Isabeau de Bavière. On avait écrit sur le sac : Laissez passer la justice du roi. Un pareil procédé d’exécution capitale n’a jamais été qu’exceptionnel, et l’idée en avait été suggérée par la peine qu’on infligeait à Rome aux parricides, précipités de la sorte dans le Tibre. Boutillier, qui s’inspire, dans l’aperçu qu’il consacre en sa Somme rurale aux divers châtimens, de la tradition antique, dit que le coupable de parricide ou d’infanticide doit être mis dans un sac de cuir avec un chapon, un chien, un singe et un serpent, et jeté à la mer ou à la rivière, afin, ajoute-t-il, que le délinquant perde ciel, air et terre, car il n’est pas digne de demeurer sur terre et en l’air. On reconnaît dans ce châtiment, qui ne doit guère avoir été usité, ce même caractère symbolique que la plupart des peines avaient eu originairement.

Comme je l’ai déjà fait observer, ce caractère appartenait à la peine du feu, l’un des anciens supplices dont l’usage resta en vigueur jusqu’au siècle dernier : de l’hérétique et du magicien, on l’étendit à l’empoisonneur ; on y condamnait celui qui s’était livré à ces commerces monstrueux, contraires à la nature, et pour lesquels la religion des juifs comme celle des chrétiens inspirait une juste horreur. Au temps où la superstition était générale, la magie n’excitait pas moins de réprobation, tant on attribuait de puissance aux pratiques vaines et ridicules qui en faisaient le fond. On brûlait comme sorcières de misérables femmes qui avaient vendu à de crédules jeunes