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Le gouvernement nous a conduits à ce point où M. le maréchal de Mac-Mahon déclare qu’il ne veut porter atteinte ni à la république, ni à la constitution dont il est le gardien, et où la France, la France officielle, électorale est partagée en deux camps : d’un côté se trouvent tous ceux qui s’avouent très librement les ennemis de la constitution et de la république que le chef de l’état ne veut pas détruire, — ce sont les candidats que le ministère recommande et patronne ; dans l’autre camp sont tous ceux qui par tradition ou par raison, par nécessité, sont pour la république, — ce sont ceux que le ministère combat dans les élections après avoir condamné la chambre où ils avaient une majorité. La lutte est aujourd’hui engagée dans des termes si vifs, si violens, que dans le tourbillon électoral tout semble mis en cause, les institutions, l’autorité présidentielle, la paix publique. Il faut un peu laisser toutes ces passions contraires aller s’éteindre au fond des urnes. C’est au lendemain que les esprits prévoyans et réfléchis doivent songer dès ce moment, pour qu’à cette heure, qui sera évidemment difficile, la raison politique et patriotique reste maîtresse de la situation nouvelle créée par le scrutin du 14 octobre.

C’est à ceux qui sont engagés dans le combat au nom de la république et qui ont certes des chances sérieuses de succès, c’est aux républicains surtout de savoir être, le lendemain, des politiques. C’est à eux de montrer que, si dans leur armée passablement mêlée, il y a la queue des radicaux et des alliés compromettans, les modérés ont assez d’autorité et de force pour dominer les fantaisies, les passions et les excentricités révolutionnaires, pour rester les chefs et les guides d’un mouvement légal d’opinion. Ils ont pour eux une expérience récente et significative. Qu’on se flatte aujourd’hui en pleine lutte de n’avoir jamais commis de fautes, d’avoir été des modèles de prudence et de modération depuis les élections du 20 février 1876, c’est bon pour le combat ; on soutient l’honneur du drapeau. La vérité est qu’il y a eu dans la dernière chambre des fautes nombreuses, durement et démesurément expiées sans doute, effacées par le coup d’une dissolution précipitée, mais réelles et signalées avec vivacité sur le moment par ceux-là mêmes qui croient de bonne guerre de les pallier aujourd’hui. La vérité est qu’à se donner avec trop de complaisance des brevets de sagesse rétrospective on risque de se faire illusion, de tout oublier, de recommencer à la première occasion et d’aller fatalement par le même chemin au-devant de déceptions nouvelles. Le défaut de la dernière chambre n’a point été précisément dans ce qu’elle a fait, on a raison de le dire ; il a été, dans le désordre d’une marche sans direction, d’une majorité sans cohésion, d’une politique livrée à toutes les entreprises. C’est ce qui a rendu tout possible. Le plus sage est de ne rien oublier, et ce que les républicains qui veulent agir sérieusement ont de mieux à faire