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immenses ateliers dans lesquels le Central-Pensylvanien construit son matériel d’exploitation. Une collision eut lieu et coûta la vie à plusieurs émeutiers. Le lendemain, de nouvelles compagnies de milice arrivèrent ; mais celles-ci prirent parti pour les grévistes, leur distribuèrent leurs munitions et se laissèrent emmener par eux dans les tavernes, où l’on s’enivra de compagnie. Les autorités, fort alarmées, eurent hâte de congédier ces dangereux auxiliaires et, par surcroît de précaution, crurent devoir renvoyer aussi les miliciens venus d’Allenton. Heureusement l’arrivée fort opportune d’un détachement de troupes fédérales vint préserver de tout danger les ateliers de construction, qui faisaient vivre une partie de la population.

L’agitation était extrême à Philadelphie : les associations ouvrières y prenaient parti pour les grévistes, comme cela était arrivé à Baltimore ; des rassemblemens parcouraient la ville et des bandes nombreuses rôdaient continuellement autour de la gare, où le service avait cessé et que la police gardait. Des tentatives furent faites pour y pénétrer et pour l’incendier ; une attaque faillit réussir, et le feu fut mis à un train chargé de pétrole, mais en sacrifiant quelques wagons on parvint à l’empêcher de se propager. En dehors de la gare, l’émeute enleva les voies pour être assurée qu’on ne pourrait plus faire partir aucun corps de milice. Averti par l’exemple de ce qui s’était passé à Baltimore, le maire avait commencé par concentrer à la gare toutes les forces dont il disposait ; il enrôla ensuite 2,000 hommes de police, auxquels il fit délivrer des fusils ; il fit également armer les pompiers en cas d’incendie. Les employés du gouvernement fédéral reçurent tous des armes pour protéger la douane, les entrepôts et les caisses publiques ; mais c’étaient là de bien faibles moyens pour assurer le maintien de l’ordre dans une ville de 650,000 âmes, où l’ouvrage manquait à la plupart des ouvriers. Aussi, tout en appelant sous les armes la totalité des milices de l’état, le gouverneur Hartranft réclama l’assistance des forces fédérales.

On a vu que les grévistes de Pittsburg avaient été avisés par le télégraphe que les agens de l’Érié venaient de cesser leur service. Là, la grève était l’œuvre d’un des fondateurs de la Train men Union, de Barney Donahue, qui avait employé les deux dernières semaines de juin à organiser le mouvement. Dès qu’il fut informé que la grève avait commencé sur le Baltimore et Ohio et sur le Central-Pensylvanien, il s’occupa de donner le signal de l’action. Dans la soirée du 19 juillet, il réunit, à Homelsville, les chauffeurs et les gardes-freins de l’Érié pour leur communiquer les nouvelles qu’il avait reçues ; la suspension immédiate du service fut décidée. La direction de la grève fut abandonnée à Donahue comme