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situation. Dans d’autres au contraire, on faisait audacieusement l’apologie des incendiaires de Pittsburg, qui avaient fait usage des seules armes laissées au désespoir : ils avaient donné une leçon au capital, et, si leur exemple était courageusement suivi, cette leçon finirait peut-être par profiter.

Qui l’emporterait de ces deux courans dont l’un assurerait le maintien de la tranquillité, publique, dont l’autre déchaînerait sur la ville toutes les honneurs de la guerre civile ? L’Internationale voulut frapper un grand coup : elle convoqua pour le 25 juillet, dans l’immense place de Tompkins-Square, un meeting monstre de toutes les associations ouvrières : elle couvrit la ville de ses affiches. Deux estrades furent élevées aux deux bouts de la place, l’une pour les orateurs anglais, l’autre pour les orateurs allemands. Le comité poussa l’audace jusqu’à envoyer le président de la section allemande, Justus Schwab, demander aux autorités municipales d’épargner au peuple la présence irritante des agens de la police, 200 commissaires, choisis par les organisateurs du meeting, devant assurer la maintien de l’ordre. Cette singulière requête fut accueillie comme elle le méritait. Le maire était résolu à ne négliger aucune précaution. Il avait obtenu du gouverneur de conserver à New-York 10,000 miliciens ; il les consigna immédiatement dans leurs quartiers jusqu’à nouvel ordre.

Le jour du meeting, la garnison des gares, occupées déjà par des détachemens d’artillerie, fut doublée ; les pièces furent chargées. Des armes fuirent distribuées à tout le personnel de la police, dont trois forts détachemens furent disposés à proximité immédiate de Tompkins-Square : le reste fut concentré à l’hôtel de Ville, avec une légion de constantes spéciaux, formée de citoyens qui avaient offert leur concours aux autorités, et auxquels on distribua des gourdins et des revolvers. Des fils télégraphiques relièrent tous les dépôts des milices à l’hôtel de ville, de façon à pouvoir mettre es mouvement en quelques minutes 10,000 hommes équipés, armés et tout prêts à marcher. Grâce à ces précautions intelligentes, le meeting se passa dans le plus grands calme : au lieu de 40,000 assistans que les organisateurs s’étaient vantés de réunir, il n’en vint guère plus de 10,000 ou 12,000. Les discours furent relativement modérés, même celui du citoyen Desmarets, ancien membre de la commune de Paris, qui avait brigué l’honneur de se faire entendre ; afin que la France fût représentée dans cette manifestation. Tout se termina par l’adoption d’une déclaration de principes, conforme aux doctrines de l’Internationale, et d’une adresse au président des États-Unis. Lorsque les discours furent terminés, la police empêcha l’auditoire de se former en procession pour parcourir la ville : elle le contraignit à se diviser en groupes quelle dispersa