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LA FOLIE
AU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUE

II.
LA RESPONSABILITÉ MORALE DES FOUS[1]

Hegel a démontré, par dialectique transcendante, que la folie est un des momens, nécessaires que traverse l’âme universelle avant d’arriver en chacun de nous à la pleine conscience de son individualité. La plupart, il est vrai, franchissent ce pas sans encombre : ils ne sont fous que virtuellement ; une chance heureuse, sur laquelle le philosophe de Berlin ne s’explique qu’imparfaitement, les a dispensés de ce stage que leur imposait la logique du système. — Moins savamment, moins pesamment, le vulgaire est souvent tenté de penser et de dire comme Hegel. C’est un adage que tout homme a son grain de folie ; entre la pleine raison et l’aliénation la mieux caractérisée, beaucoup inclinent à croire que les transitions sont insensibles et innombrables, qu’aucune ligne de démarcation n’existe, que mille circonstances, souvent fort insignifiantes, peuvent faire descendre au plus ferme esprit tout ou parue de cette échelle fatale au bas de laquelle est la démence, Ce qui est plus grave, c’est que plusieurs aliénistes, et des plus autorisés, se déclarent impuissans à produire le criterium scientifique de la folie ; quelques-uns nous parlent même de fous parfaitement bien portans et prétendent faire rentrer dans cette catégorie presque tous les originaux, les caractères bizarres et passionnés, les fanatiques, les vicieux, les criminels ! Est-ce donc vraiment la

  1. Voyez la Revue du 15 novembre 1876.