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territoire état, si elle n’a pas encore atteint le chiffre de 100,000 âmes ; mais en Nouvelle-Zélande on n’a tenu aucun compte de la population, et toute province a obtenu les mêmes avantages que sa voisine, en quelque disproportion que fussent les chiffres de leurs habitans respectifs. La moyenne de la population de ces provinces est d’environ 30,000 âmes, chiffre déjà bien faible ; mais en fait quatre d’entre elles n’ont pas plus de 10 à 12,000 âmes, c’est-à-dire une population fort inférieure à celle de tel ou tel canton de nos départemens. Il semblerait que ce dût être là le dernier mot de la décentralisation politique ; mais tant de législatures ne suffisent pas encore à apaiser l’appétit de représentation des Néo-Zélandais, et chaque district de chacune de ces provinces se constituerait volontiers un gouvernement pour voir à ses affaires de plus près et être plus sûre que ses deniers lui profiteront. La division et la subdivision, l’infini, c’est à cela que tend et arrive naturellement toute démocratie sans contre-poids, qui, n’ayant auprès d’elle aucun élément hostile, n’a pas à chercher d’appui dans le gouvernement central, et la Nouvelle-Zélande ne donne aucun démenti à cette loi historique. Cette colonie, on le voit, a donc eu l’heureuse fortune de réaliser d’emblée ce désir de séparatisme qui dans les colonies australiennes tourmente les habitans des districts trop éloignés de leur métropole pour prendre leur bonne part dans la répartition des dépenses publiques, et si la Riverina ou le district de Rockampton peuvent accuser les parlemens de la Nouvelle-Galles du sud ou de Queensland de favoriser à leur détriment les régions voisines de Sydney ou de Brisbane, les provinces de la Nouvelle-Zélande seraient mal fondées à faire entendre des plaintes semblables au parlement de Wellington.

Ce qui caractérise essentiellement la Nouvelle-Zélande, c’est que rien n’y est en rapport avec le chiffre de la population, ni la représentation nationale, ni le nombre des sièges épiscopaux, ni les dépenses coloniales, ni la prospérité matérielle. Les dettes publiques des colonies australiennes sont fort lourdes, nous l’avons vu ; mais que dites-vous d’un pays dont la colonisation n’a commencé sérieusement qu’après 1840, dont la croissance a été contrariée par des guerres perpétuelles, dont le revenu en 1875 n’atteignait pas 3 millions sterling, qui a trouvé moyen de contracter déjà une dette publique de 17,400,000 livres selon M. Reid, c’est-à-dire 6 millions de plus que la Nouvelle-Galles du sud, 3 millions de plus que Victoria, et six fois la dette publique de l’Australie du sud, dont la population est égale à la sienne ? 4 millions et demi environ, un quart de ce chiffre presque paradoxal, doivent être rapportés aux dépenses des guerres maories, et sont le prix dont la Nouvelle-Zélande a payé son indépendance ; le reste a été employé en travaux