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existait, au point de vue légal, une différence absolue entre les villes de Vizcaye, fondées ou repeuplées par les seigneurs, et la terre infanzonada, occupée par les communes rurales ou anteiglesias, En effet, les exemptions et coutumes, maintenues là-bas de temps immémorial et converties plus tard en fueros, appartenaient exclusivement aux infanzones, naturels de Vizcaye : c’étaient des lois générales votées par les juntes, au lieu que les privilèges des villes étaient des concessions particulières émanées du seigneur seul et dépendant de sa volonté ; mais en 1630, à la suite d’un accord fait par les diverses populations qui composaient le señorio et approuvé par Philippe III, toute distinction disparut entre les villes seigneuriales et la terre infanzonada. Celles-ci, renonçant à leurs privilèges particuliers, adoptèrent le fuero général qui était la véritable loi originaire du señorio, et depuis lors, égales de droits et d’obligations, elles ont pris part aux juntes au même titre que les anleiglesias.

Une des attributions principales dont les juntes étaient investies consistait dans la révision des lettres et cédules que le gouvernement suprême adressait à la province avec faculté de lui refuser l’approbation sans laquelle les ordres royaux ne pouvaient être exécutés. Ce droit, généralement connu sous le nom de pase ou permis foral, tendait à prévenir toute violation du fuero. En outre, les habitans étaient autorisés à tuer partout où ils le rencontreraient quiconque tenterait d’exécuter ou faire exécuter une ordonnance à laquelle la province aurait refusé son pase. Sous Henri IV, les Guipuzcoans massacrèrent à Tolosa le juif Gaon, fermier-général des rentes de Castille, qui voulait lever une contribution non consentie par la province, et le roi ne tira aucune vengeance de sa mort. L’existence du pase foral est un argument décisif en faveur de l’indépendance originaire du pays basque ; évidemment aucun souverain n’a pu par pure grâce accorder à ses sujets une prérogative de cette nature, car alors elle eût été révisable à la volonté du donateur, ce qui impliquerait contradiction. Quant à la considérer comme une atteinte à la majesté royale, qu’on se rappelle dans quelles conditions s’est accomplie la réunion des trois provinces à la couronne. Si elles conservaient le régime auquel elles étaient accoutumées et qui leur était précisément garanti par le pacte d’annexion, il n’y avait là rien d’humiliant pour le roi non plus que dans les précautions prises pour éviter toute violation du fuero. A bien voir, on ne trouverait dans aucun pays une loi fondamentale plus prudente, une garantie plus sérieuse de la liberté des peuples contre les empiétemens du pouvoir central.

Que penser maintenant de la prétention des Basques qui se disent tous nobles d’origine ? D’où que leur vienne cette noblesse