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sol, qui leur fut longtemps un titre valable à cette exemption, n’en est plus un tout à fait ; jusqu’ici la pêche, l’agriculture, faisaient le principal de leurs revenus et pour une part aussi l’exploitation du fer, cette dernière industrie a pris récemment une extension inattendue, elles y trouveront le moyen de faire face aux exigences du budget plus aisément encore que les autres provinces, si pauvres, si arriérées. En somme, parce qu’ils auront perdu leurs fueros, les Basques n’en seront pas moins un des peuples les plus fortunés de la terre ; leur prospérité ne tient pas tant à des privilèges qu’à la constitution patriarcale de la famille, à l’organisation rurale du pays, à l’honnêteté et à l’amour du travail qui distinguent tous les habitans, et ces avantages, personne ne les leur peut enlever. Au lieu de persévérer dans une attitude d’opposition dont on ne prévoit pas bien le résultat, qu’ils acceptent franchement une transaction devenue inévitable et reconnaissent la loi, qu’ils renoncent officiellement, par la voix de leurs députations, comme la Navarre le fit autrefois, à ceux de leurs droits qui blessent les intérêts et les sentimens les plus chers de leurs compatriotes. Au lieu de rester à l’écart, toujours sur la défensive, qu’ils veuillent bien se mêler à la vie et aux travaux de la nation, que dis-je ? se mettre à sa tête. De tout temps les Basques qui ont cherché en Espagne fortune ou position y ont merveilleusement réussi, et l’on a remarqué déjà que les plus hautes charges administratives avaient été longtemps comme leur apanage exclusif. Il en est de même dans toutes les branches ; aujourd’hui les plus grands noms du commerce de la capitale sont originaires de l’Irurac-bat et, pour ne plus citer qu’un exemple, dernièrement, sur sept professeurs composant la faculté des sciences de Madrid, cinq étaient Basques de naissance. Nul ne pourra autant qu’eux aider à la régénération de l’Espagne, car les qualités qu’ils possèdent, qualités d’ordre, d’économie, de travail, sont précisément celles qui lui manquent et dont elle a le plus besoin ; ils sauront les lui donner, les lui inculquer, si l’on peut dire. Là est pour eux le but et l’avenir. Tout ce qui se transforme ne périt pas : disparus comme état particulier, ils revivront plus glorieux, plus puissans que jamais dans un grand peuple qui leur devra une partie de sa grandeur, et en se prêtant à cette fusion ils auront servi non-seulement leurs propres intérêts et ceux de la mère patrie, mais aussi la cause de l’humanité, qui, si la guerre ne doit pas disparaître d’entre les peuples, demande au moins que la concorde règne entre ceux qui sont nés sous le même ciel et qu’une même terre a nourris !


L. LOUIS-LANDE.