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particulièrement la cataracte). Les médecins d’alors n’y entendant rien, le roi fit venir un charlatan. » Il n’y a qu’un remède, c’est la plume de l’oiseau griffon qui habite le désert. On dissout dans l’eau cette plume réduite en poudre et l’on obtient ainsi un collyre infaillible. » Le roi manda ses trois fils et promit le trône et la couronne à celui qui lui apporterait la plume de l’oiseau griffon. Les trois fils se mirent en route ; le plus jeune rencontra un vieillard qui lui dit : « Va dans le désert et jette sur le sable un grain de maïs ; l’oiseau griffon descendra pour le manger ; tu n’auras alors qu’à te baisser et tu lui enlèveras une de ses plumes. » Ainsi fit le jeune prince, qui s’en revint avec la plume merveilleuse cachée dans l’un de ses souliers. Mais il trouva sur la route ses deux frères qui s’en retournaient chez eux les mains vides : le Benjamin de la famille fut saisi par ses aînés, qui, l’ayant fouillé et dépouillé, le tuèrent et l’enterrèrent au pied d’un arbre. Pois ils rapportèrent la plume au vieux roi, qui guérit aussitôt et tint sa promesse. Il était inquiet cependant, parce que son fils cadet ne revenait pas ; les deux aînés lui dirent qu’ils ne l’avaient point vu depuis leur départ. Un jour un berger qui paissait ses moutons près du poirier sous lequel était enterré le mort vit avec étonnement les chiens du troupeau gratter la terre et en retirer un os. « Le joli sifflet ! » dit le berger, qui mit l’os à sa bouche et voulut jouer un air ; mais il entendit une voix qui sortait de l’os et qui disait : « Berger qui me tiens à la bouche, tiens-moi bien et point ne me lâche ; pour une plume d’oiseau griffon, mon frère m’occit par trahison, » Le berger fut stupéfait, et comme il savait l’histoire de la plume merveilleuse, il s’en alla souffler dans l’os devant le palais royal. Les gens du palais, se doutant de quelque chose, allèrent l’annoncer au vieux souverain, qui fit monter le berger et voulut siffler lui-même, et l’os chanta : « Père qui me tiens à la bouche, tiens-moi bien et point ne me lâche ; pour une plume d’oiseau griffon, mes frères m’occirent par trahison. Punis le premier, pardonne au second. » Le vieux roi ne tint pas compte de cette prière clémente : il saisit les deux fratricides, les fit brûler dans un tonneau de poix et jeter à la mer ; il garda le berger pour son fils, et lui donna le trône et la couronne. »

Ainsi finit le conte recueilli à Pomigliano. A Bagnoli Irpino, on le clôt par cette sentence : Qui tue aujourd’hui sera tué demain.


II. — LES CORNES. — VIOLA.

Nous rentrons dans les féeries et nous ne voulons plus désormais en sortir. Jusqu’ici nous nous sommes contenté de résumer les récits et d’en donner la substance ; mais ce n’est pas la partie la plus