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l’emmènerai avec moi et j’en veux faire une pitance friande. Donc adieu, c’est une affaire entendue, à nous revoir ! » L’ogre et sa femme retournèrent chez eux et tinrent parole, parce que tous les mois ils envoyèrent aux parens de la petite une belle somme d’argent, et des effets d’habillement, et de bonnes choses de choix pour manger. Mais, quand la fillette eut cinq ans, l’ogre vint la prendre, et tout fut inutile ; il la voulut avec lui de toute façon. Et quand il l’eut emmenée dans sa maison, il l’enferma pour l’engraisser dans une chambre au haut d’une tour où il n’y avait pas d’escalier pour y monter. Et puis il dit à la Cathò : « Garde-la bien, que rien ne lui manque. Aie bien soin que personne ne la voie et qu’elle ne s’échappe point quand je serai dehors pour mes affaires. » Et pour pouvoir l’appeler, il lui donna le nom de Persillette.

« Donc la Persillette enfermée là-haut dans cette chambre croissait toujours plus belle, et, comme celle qui la gardait était la Cathò, elle l’appelait maman. Et quand la Cathò voulait monter à la tour pour lui tenir compagnie, elle appelait d’en bas : « Persillette ! Persillette ! jette en bas tes tresses et tire en haut ta mère ! » Et Persillette laissait pendre ses tresses de la fenêtre et la tirait dans la chambre. Un jour la Cathò lui dit : « Peigne-moi, Persillette. » Aussitôt Persillette prit un peigne et se mit à peigner la Cathò. La Cathò disait pendant ce temps : « Qu’y trouves-tu, Persillette ? — Bah ! que voulez-vous ? J’y trouve bien des poux. — Bien ! Persillette, sais-tu ce que tu as à faire ? dit la Cathò, prends-les, ces poux, et mets-les dans le creux d’un roseau. Ils pourront te servir quelque jour, parce qu’en soufflant dans le tuyau, on les disperse au dehors, et un grand buisson pousse où ils tombent. » Et la Persillette fit comme voulait sa maman. Une autre fois, la Cathò hurla du rez-de-chaussée de la tour : « Persillette ! Persillette ! jette en bas tes tresses et tire en haut ta mère. — Et quand elle l’eut tirée en haut, la Cathò dit : — Si j’avais besoin de rester quelque temps hors d’ici, est-ce que tu saurais te faire à manger ? — Moi, non, répondit Persillette ; et puis où sont les choses à manger et le bois pour les cuire ? — La Cathò dit : — Il y a remède à tout. Prends ici, je te donne cette baguette enchantée et demande ce qui te fera plaisir, tu seras contentée à l’instant même. » Après, elle lui dit adieu et sortit de la maison pour rester quelque temps dehors à faire ses affaires.

« Un matin, tout à coup, Persillette entendit qu’on l’appelait du bas de la tour : « Persillette ! Persillette ! jette en bas tes tresses et tire en haut ta mère. » Elle pensait que c’était la Cathò, mais quand elle eut tiré en haut avec ses tresses, elle s’aperçut que c’était un beau jeune homme, un fils du roi. Gare l’amorce à côté du feu ! Ils s’énamourèrent au moment même et restèrent ensemble la nuit