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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/180

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de magie noire, que les leçons s’y donnaient dans des chambres souterraines où ne pénétrait nulle lumière, sur des livres écrits en caractères de feu ; l’unique maître, invisible et secret, n’était autre que Satan en personne[1]. Les étudians des trois royaumes abondent au commencement du XIIIe siècle dans notre université à peine fondée ; plusieurs y obtiennent le grade de magister ou y deviennent même professeurs ; quatre Suédois y occupent les hautes fonctions de rector magnificus. Ils y sont bientôt si nombreux qu’ils s’établissent en divers collèges, dont nous retrouvons la place : celui d’Upsal avait deux maisons sur la montagne Sainte-Geneviève, l’une rue Serpente et la seconde rue des Deux-Portes ; un autre collège suédois se trouvait au clos Bruneau, entre les rues actuelles de Condé et des Fossés-de-Monsieur-le-Prince, sur un terrain appartenant à la Sorbonne ; un troisième en face du collège des Lombards, rue du Mont-Saint-Hilaire. Celui de Dace, fondé par les étudians de Scanie et de Danemark, était situé près de la place Maubert, entre nos deux grandes écoles de Notre-Dame et de Sainte-Geneviève. C’était le temps où les lettrés du nord traduisaient nos poèmes et nos chansons de geste ; une fête de cour n’était pas complète en Suède ou en Norvège sans la lecture ou le récit de quelqu’une de ces grandes œuvres épiques dont notre moyen âge a été fécond, que notre ingratitude envers le passé a laissées s’oublier ou se perdre, et que l’érudition intelligente de nos jours retrouve en fragmens dispersés jusqu’aux extrémités de l’Europe.

Le XVe siècle a été pour la Suède aussi bien que pour la France, l’Angleterre et l’Espagne, une époque de guerres civiles, d’asservissement à l’étranger, et finalement de triomphe intérieur, au profit de la centralisation et de l’unité. Les conséquences de la malheureuse Union de Calmar avaient soumis le royaume aux Allemands et aux Danois ; les prétentions rivales des familles nobles, les souvenirs ambitieux des dynasties locales avaient augmenté l’anarchie en la prenant pour alliée ; mais enfin une grande victoire remportée sur l’armée danoise aux portes mêmes de Stockholm, sur cette colline de Brunkeberg qui fait aujourd’hui partie de la ville (10 octobre 1471) affranchissait la cause nationale, et la Suède, sous le gouvernement de l’un des siens, l’administrateur Sten Sture, allait entrer en pleine possession de son autonomie. Après avoir obtenu en 1442 une législation commune, elle voulut réclamer aussi son indépendance intellectuelle et morale ; elle voulut avoir son université sur le modèle de celles du continent : le grand rôle dont Paris et Bologne s’étaient montrés capables avait prouvé à tous de

  1. Voyez, dans la Bévue du 15 avril 1860, notre étude sur les traditions populaires de l’Islande. Voyez, pour ce qui suit, les documens que nous avons publiés dans la Revue des sociétés savantes, t. V, p. 659-609, année 1858.