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vive, quoique peu réglée, lui offrait de son plus lointain passé une image encore plus éclatante que ne pouvait être celle du présent : elle était intéressée à s’y reconnaître, et, dans un temps qui n’était celui ni de l’instruction largement répandue, ni de la critique, elle commettait cette erreur, aussi bien que l’écrivain lui-même, très-naïvement. L’université d’Upsal était devenue vraiment le cœur de la nation.

C’est là sa période héroïque, qui se termine brusquement par une fatale journée. Le 16 mai 1702, le feu prit à une maison de la ville, s’étendit promptement aux maisons voisines, et, pendant quatorze heures, l’incendie ne cessa d’exercer ses ravages. Trois quarts de la cité étaient en cendres, le château presque détruit, la cathédrale mutilée. Au moment où les flammes envahissaient le bâtiment de la bibliothèque, on vit s’agiter sur les combles, à travers les étincelles et la fumée, une forme humaine : c’était le vieil Olof Rüdbeck, alors âgé de soixante-douze ans ; on le reconnaissait à sa haute taille, à ses longs cheveux tombant sur ses épaules ; il dirigeait les efforts de ceux qui combattaient l’incendie, et sa voix de stentor, bien connue de toute la ville, retentissait au milieu du tumulte. Stockholm avait perdu récemment sa précieuse bibliothèque par le feu ; Rüdbeck sauvait celle d’Upsal, si nécessaire pour l’université. Inutilement on venait l’avertir que sa propre maison était atteinte ; il allait perdre le manuscrit de ses Campi Elysii, fruit de quarante années de travaux ; il allait perdre les premières feuilles imprimées du quatrième volume de l’Atlantica et les exemplaires non vendus du troisième. Il succombait quatre mois après ce désastre, auquel venaient s’ajouter, pour achever de ruiner l’université elle-même, les malheurs de la dernière partie du règne de Charles XII, les hivers rigoureux et la peste. Il fallut attendre quelques années pour que le travail se rétablît ; mais les efforts un, peu aventureux de l’époque précédente avaient porté leurs fruits : l’université allait devenir pendant le XVIIIe siècle, comme elle l’est encore de nos jours, un actif foyer, non-seulement pour l’érudition et les lettres, mais encore et surtout pour les sciences naturelles.

Ihre le philologue y a des premiers, au XVIIIe siècle, étudié la langue gothique ; Atterbom y a été le chef d’une école littéraire et poétique qui, rompant avec l’imitation étrangère, a su affranchir le génie national ; Geijer y a inauguré l’histoire critique du nord, que MM. Carlsson et Malmström ont étudiée depuis avec succès ; Boström y a professé une philosophie timide par certains côtés, mais très élevée et très spiritualiste, et que développent aujourd’hui d’éminens disciples. M. Olivecrona pour l’étude du droit historique, M. Svedélius pour l’économie politique, M. Richert pour. les anciennes langues du nord, M. Nordling et M. Almkvist pour les