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y sont à l’entière dévotion des seniores, qui les retiennent à leurs leçons privées et les empêchent d’aller aux leçons publiques faites par les professeurs : curieux indice d’une sorte de concurrence qui a bien pu tourner au progrès général. En vain le recteur assure aux étudians, pour les retenir, la protection de leur caisse commune : il gardera sous ses yeux leur fiscus dans l’œrarium de l’université ; bientôt chaque nation s’affranchit de cette tutelle et prétend avoir sa caisse particulière. La nation d’Ostrogothie rédige ses statuts en 1646 ; elle les termine par cette fière formule, empreinte d’une gravité toute romaine : Quod ita censuimus, consensimus, conscivimusy ob eam rem nomina manusque nostras singuli adscripsimus, jureque jurando firmavimus. Ces allures n’étaient pas celles d’un pouvoir disposé à céder ; le consistoire jugea qu’il fallait faire des concessions, et, à partir de la fin du XVIIe siècle, le rapprochement s’opéra peu à peu.

Qu’on ouvre les statuts actuels, révisés le 10 janvier 1876, on y verra comment la loi règle et consacre elle-même la constitution des nations universitaires. Tout étudiant, aussitôt qu’il a été régulièrement inscrit sur les registres par-devant le recteur, doit se faire admettre pour tout le temps de ses études dans une de ces nations, selon le lieu de sa naissance, ou bien selon la résidence actuelle de sa famille, ou suivant le choix que jadis avait fait son père. Nul n’est admissible à subir aucun examen, — voici qui est remarquable, — s’il ne présente un bon témoignage de ses nationaux sur sa moralité et son caractère. Toute nation est placée sous la surveillance d’un inspecteur, qui doit être un des professeurs ordinaires, et d’un ou de plusieurs curateurs, qui peuvent être de jeunes agrégés ou des étudians ; les uns et les autres sont à l’élection. Elle discute et rédige comme elle le veut ses règlemens intérieurs ; il suffit qu’ils soient agréés, ainsi que les élections diverses, par le consistoire mineur, un des deux conseils académiques auxquels est confiée l’administration générale de l’université. La nation se gouverne elle-même ; elle exerce comme elle l’entend sa propre discipline et peut expulser un coupable ; s’il n’est pas admis par une autre nation, il se trouve par le fait exclu de l’université, ou du moins placé à l’écart, sous la surveillance spéciale du recteur. Les antiques vexations de la depositio ont fait place à une fraternité secourable, qui n’empêche pas une réelle hiérarchie ; il n’y a pas de confusion en effet entre les seniores, les juniores et les recentiores, catégories fixées par les libres suffrages. Les recentiores ne peuvent guère être admis dans la classe supérieure avant le délai d’une année, mais c’est pour eux un simple noviciat, un apprentissage des devoirs qu’ils auront bientôt à remplir : un mérite signalé peut abaisser devant eux les barrières. Chaque nation