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est une énigme pour la plupart des visiteurs, et il nous serait très difficile de nous reconnaître parmi ces ruines amoncelées, si les archéologues et les architectes ne venaient à notre secours. Depuis longtemps l’archéologie travaille à retrouver la destination de ces blocs de pierre ou de ces amas de briques et à nous donner un plan plus ou moins exact de la demeure impériale. Le premier qui s’en occupa avec quelque succès fut un architecte napolitain du XVIe siècle, le célèbre Pirro Ligorio, le même qui s’est fait un si mauvais renom parmi les épigraphistes en inventant des volumes entiers d’inscriptions fausses. Ce grand faussaire était assurément un fort habile homme : dans ses travaux sur la villa d’Hadrien, il fit preuve de beaucoup de sagacité, et la plus grande partie de ses conjectures a été adoptée par les savans qui le suivirent : Piranesi et Canina n’ont guère fait que développer ses vues et exagérer ses erreurs. Nibby, qui vint ensuite, se contenta de choisir les opinions les plus plausibles qu’on avait émises avant lui, et de les appuyer de sa connaissance des textes et de sa grande pratique des antiquités. Le livre intéressant qu’il publia en 1827, sous le titre de Descrizione della villa Adriana, pouvait passer pour le dernier mot de la science, lorsque des études nouvelles furent entreprises, d’une façon plus régulière et plus exacte, par un des architectes les plus distingués de notre école de Rome, M. Daumet. Pour être plus sûr que son travail fût définitif, M. Daumet commença par le circonscrire ; il ne s’occupa que d’une partie de la villa, celle qui présente le plus de difficultés à résoudre, mais qui conserve aussi les restes les plus curieux. On l’appelait autrefois « le palais impérial, » et elle contenait, comme nous le verrons, non pas les appartemens particuliers du prince, mais ses salles de réception. M. Daumet en étudia avec soin les moindres débris, il fit des fouilles, quand on lui permit d’en faire, chercha à se rendre compte des plus petites assises de pierre, et remit à leur place tous les fragmens d’ornemens de marbre ou de mosaïque qu’il put trouver. Le résultat de tous ces travaux fut un essai de restauration de la villa d’Hadrien, qui est considéré comme un des meilleurs ouvrages et des plus complets de notre école de Rome. M. Daumet ne s’est pas contenté de mettre libéralement ses plans et ses croquis à ma disposition ; il y a joint ses explications personnelles, ses souvenirs, ses conjectures, et je tiens à dire avant tout que, si les lecteurs de la Revue trouvent quelque intérêt à lire cette étude, c’est en grande partie à M. Daumet qu’ils le devront.