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service de nous décrire les siennes, et cette description suffit à nous donner une idée des autres. On sera frappé d’abord en la lisant de voir combien ces maisons de Laurente et de l’Étrurie ressemblaient pour l’essentiel à la villa d’Hadrien que nous venons d’étudier. Il n’y a vraiment entre elles qu’une différence, celle que la fortune et le rang mettaient entre leurs propriétaires. Un simple particulier ne pouvait pas se permettre ce qu’osait faire un empereur ; mais le système général des constructions et de la décoration est le même, et les lettres de Pline confirment tout à fait la restauration de M. Daumet.

Je suppose que notre première impression, si nous pouvions voir les villas de Pline, surtout celle de l’Étrurie, qui était la plus belle, serait d’être fort étonnés de la multiplicité des bâtimens qui les composent. Tous ces édifices, de hauteurs et de formes différentes, plutôt juxtaposés qu’unis, nous feraient l’effet d’un village bien plus que d’une maison de campagne[1]. Mais il faut se souvenir qu’il s’agit d’y loger un Romain, et qu’un Romain, même lorsqu’il se pique de vivre simplement, ne peut se passer d’une foule d’esclaves. Quand on ne se contente pas de les entasser dans les caves, et qu’on veut, comme Pline, leur donner des chambres convenables qu’on pourrait au besoin offrir à des amis, il faut avoir beaucoup de place et des corps de logis nombreux. Ce qui surprend encore plus que le nombre de ces corps de logis, c’est qu’on n’ait pas pris la peine de les disposer d’une façon plus régulière. Mais nous avons déjà vu que les Romains, surtout dans leurs maisons de campagne, ne paraissaient pas tenir beaucoup à l’apparence extérieure. C’est ainsi qu’au lieu de placer tous les salons et toutes les chambres du même côté pour des raisons de symétrie, leurs architectes les distribuaient un peu partout, afin de leur donner des expositions différentes ; ils multipliaient les pavillons séparés, pour qu’on y fût plus isolé et qu’on y eût de tous les côtés une plus belle vue. L’ordonnance générale pouvait sembler moins heureuse, mais les appartemens étaient plus commodes, ce qui leur suffisait. Nous sommes des vaniteux, qui songeons d’abord à la façade ; pourvu qu’elle ait meilleure mine, nous acceptons volontiers d’être mal logés. Les Romains s’inquiétaient moins des passans, et ils ne faisaient la maison que pour ceux qui devaient l’habiter. Tout ce qui pouvait la leur rendre plus agréable était prodigué sans mesure ; on n’épargnait rien quand il s’agissait de leur procurer ce repos fortifiant et cette variété de plaisirs calmes qu’ils y venaient chercher. Certes Pline

  1. Je ne sais si Pline ne veut pas exprimer une idée semblable quand il dit qu’on aperçoit de sa maison de Laurente une foule de villas a qui, vues de la mer ou même de la côte, présentent l’image d’une multitude de villes. »