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était loin d’être un voluptueux. ; il passait au contraire pour un homme de mœurs antiques, et Martial le comparait à Caton. On ne peut s’empêcher pourtant d’être effrayé quand on voit jusqu’à quel point il avait poussé la recherche du bien-être dans ses maisons de plaisance. On se perd dans l’émunération qu’il nous fait de ses appartement il a des salles à manger de grandeur différente pour toutes les occasions ; il dîne dans celle-ci quand il est seul, l’autre lui sert à recevoir ses amis intimes, la troisième est plus vaste et peut contenir la foule de ses invités. L’une s’avance dans la mer : on y voit, tout en prenant son repas, les flots se briser contre les murailles ; l’autre s’enfonce dans les terres : on y jouit de tous les côtés de la vue des champs et des spectacles de la vie rustique. D’ordinaire une chambre à coucher suffit aujourd’hui aux plus exigeans ; il serait difficile de dire combien en contiennent les villas de Pline. Il y en a non-seulement pour tous les besoins, mais pour tous les caprices. Ici, on peut voir la mer de toutes les fenêtres ; là, on l’entend sans la voir ; ailleurs, on la voit sans l’entendre. Cette pièce est disposée en forme d’abside, et par de larges ouvertures elle reçoit le soleil à toutes les heures du jour ; une autre est obscure et fraîche, et ne laisse entrer que tout juste assez de lumière pour qu’on ne soit pas dans les ténèbres. Si le maître désire s’égayer, il se tient dans cette salle ouverte d’où il voit tout ce qui se passe au dehors ; s’il éprouve le besoin de se recueillir, il a précisément une chambre où il peut s’enfermer et qui est disposée de telle sorte qu’aucun bruit n’arrive jamais à ses oreilles. Pline l’appelle « ses délices ; » il est heureux, dans sa villa, d’être loin de Rome ; dans cette chambre, il lui semble qu’il est loin même de sa villa. Ajoutons que ces pièces sont parées de belles mosaïques, souvent couvertes de peintures gracieuses, et qu’elles contiennent presque toutes des fontaines de marbre, car l’eau y coule de tous les côtés, claire, fraîche, abondante ; elle égaie tout par son murmure, elle est un des élémens essentiels de la décoration des villas. Elle entre pour une grande part dans les inventions capricieuses des architectes, quand ils veulent trouver des dispositions nouvelles dont l’originalité puisse plaire à ces grands seigneurs difficiles et désœuvrés. On se rappelle la belle salle carrée rafraîchie par l’euripe dans la villa d’Hadrien ; Pline ne pouvait pas se faire bâtir un édifice aussi coûteux, mais il avait, à l’extrémité de son jardin, une treille touffue, soutenue par quatre colonnes de marbre de Caryste. Sous cette treille, qui formait un abri agréable, on avait placé des fontaines jaillissantes, un bassin rempli d’eau sans cesse renouvelée et qui ne débordait jamais, enfin un lit de repos en marbre blanc, où l’on venait s’étendre à la chaleur du jour. « De