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autrement, on ne porte atteinte à un principe essentiel. Si l’impôt n’est pas la rémunération proportionnelle des services rendus à chacun de nous, s’il n’est pas non plus la dette exclusive des gens riches, qu’est-il donc ? Sans chercher dans la science une définition plus ou moins subtile et contestable, nous)nous en référons tout simplement à la fameuse déclaration des droits faite en 1789 par l’assemblée constituante. « L’impôt, a-t-elle dit, est la dette commune des citoyens et le prix des avantages que la société leur procure. Il ne s’agit plus ici d’une dette proportionnelle, on ne distingue pas entre les avantages qui reviennent à chacun, on les considère en bloc et on déclare que c’est la dette commune des citoyens. » Maintenant, comment doit-on la payer ? Là est la question.

« Dans le cas d’une souscription volontaire à laquelle tout le monde est intéressé, dit J. Stuart Mill, chacun est considéré comme ayant fait son devoir lorsqu’il a souscrit selon ses moyens, c’est-à-dire qu’il a fait un sacrifice égal pour le bien commun. Le même principe doit être appliqué aux contributions forcées, et il est inutile de leur chercher plus loin une base plus ingénieuse. » La base est ingénieuse en effet, mais elle n’est ni juste ni praticable. Vous dites qu’on devra faire un sacrifice égal pour le bien commun. Quelle règle suivrez-vous pour arriver à ce résultat ? Voilà deux individus qui ont 10,000 francs de rente chacun, l’un a cinq enfans, l’autre n’en a pas ; il est évident qu’en payant la même somme pour la contribution forcée, l’un fera un sacrifice plus considérable que l’autre. De ces deux individus, l’un habite une petite ville de province, où la vie est facile et à bon marché, l’autre réside dans une grande ville, où la vie est beaucoup plus chère ; pour cette raison encore, la même somme à payer par les deux ne constituera pas le même sacrifice. Enfin l’un est économe, a peu de besoins et réalise chaque année une épargne plus ou moins forte ; l’autre, avec ses 10,000 livres de rente, fait des dettes. Si vous demandez toujours la même somme à chacun, vous imposez un sacrifice très différent. D’autre part, comment ferez-vous pour tenir compte à l’un de l’étendue de sa famille, des exigences sociales de la ville qu’il habite, de ses habitudes d’économie ou de dépense ? vous tenteriez l’impossible. Et pourtant, si vous ne faites pas cette distinction entre la situation de l’un et celle de l’autre, vous manquez à votre principe, qui est d’imposer un sacrifice égal à tout le monde. Quand il s’agit de prendre part à une souscription pour un objet d’utilité commune, on est porté à se montrer plus ou moins généreux par des mobiles bien divers, parmi lesquels l’idée de faire un sacrifice en rapport avec sa fortune est souvent le moindre ; d’ailleurs c’est une chose qui a lieu une fois et qu’on ne renouvelle pas tous les ans. Encore a-t-on pu voir il y a quelques années par un grand exemple combien