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même classe, qui habitent la même ville, qui ont le même loyer d’habitation, ne font pas les mêmes bénéfices ; il y en a un à qui la patente ne demandera que le vingtième des profits, et elle prendra le cinquième et peut-être même le quart de ceux de l’autre. De même enfin, pour la taxe foncière, on sait qu’il y a les plus grandes inégalités dans la répartition de cette taxe ; le montant varie entre 2 et 9 pour 100 : les uns paient 2 pour 100 de leur revenu seulement, tandis que d’autres contribuent pour 8 et 9. Ces inégalités sont certaines, et on en pourrait citer beaucoup d’autres ; elles résultent de l’impuissance où l’on est de réaliser la perfection dans l’application des lois fiscales, aussi bien que des lois politiques ; mais enfin le principe de l’inégalité n’est pas admis dans la loi, et tous les gouvernemens ont le devoir de chercher à se rapprocher le plus possible de la proportionnalité exacte. C’est pour cela qu’on parle tant aujourd’hui de la péréquation de l’impôt foncier, de la révision de la taxe mobilière et de celle des patentes. Nous n’avons pas à traiter ces questions en ce moment et à dire les difficultés qu’elles soulèvent. Il résulte au moins de la préoccupation qu’elles donnent à nos législateurs que le principe inscrit dans nos lois financières et qu’on veut appliquer le mieux possible est bien celui de la proportionnalité ; c’est le même but qu’on poursuit encore en demandant pour les impôts indirects, probablement à tort, de remplacer les droits spécifiques par des droits ad valorem. Par conséquent il ne faudrait pas arguer des inégalités qui existent en fait pour chercher à les établir en droit. Le fait n’a jamais une grande importance, il est toujours permis de le corriger, tandis que le principe une fois admis entraîne des conséquences et peut mener- beaucoup plus loin qu’on ne veut aller. Ce sont ces conséquences surtout qu’il faut craindre : principiis obsta, dit le proverbe ; cela n’a jamais été plus vrai qu’en matière d’impôts.


II

Maintenant, si l’impôt progressif ne soutient pas la discussion au point de vue de l’équité et de la juste répartition des charges, est-il meilleur au point de vue économique ? C’est une nouvelle question à examiner. Nous avons tous intérêt à ce que la richesse augmente, quelle que soit la part qui en revient à chacun. Il serait mieux peut-être, plus agréable au moins aux yeux du philanthrope, qu’elle fut répartie plus également entre tous les citoyens, qu’il y eût moins de grandes fortunes et moins aussi de gens aussi dénués de tout ; reste à savoir si c’est possible. L’inégalité de la fortune est comme toutes les autres inégalités de ce monde, elle résulte de la force