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l’avez fait, cette dernière idée ; mais vous reconnaîtrez qu’il était utile, sinon nécessaire, de prévenir les lecteurs des sérieux obstacles auxquels elle venait se heurter. Je passe sans transition à la deuxième partie de mes observations. Il ne s’agit plus ici, monsieur, d’un système historique sur lequel des opinions divergentes peuvent être librement conçues et discutées ; il ne s’agit même pas seulement d’une question d’interprétation de textes, mais bien de textes à rétablir, et de rectifications à opérer dans les termes qui vous ont servi à reproduire un des chapitres les plus curieux et les plus importans des Commentaires.

À l’appel de Vercingétorix, enfermé avec ses troupes ; dans Alesia (Alise-Sainte-Reine), et assiégé par César, les chefs de la plupart des nations gauloises se réunirent en assemblée générale, et fixèrent le nombre de guerriers que chacune d’elles devrait fournir pour une armée de secours. La liste de ces peuplades et de leurs contingens remplit le chapitre LXXV du livre VII des Commentaires ; vous avez cru, avec M. Mounier[1], qu’elles y étaient taxées d’une manière très, inégale et hors de proportion avec leurs forces respectives, dans un dessein de prédominance du parti oligarchique, secrètement porté vers l’alliance romaine, et représenté par les Éduens, (Bourgogne), sur le parti démocratique et unitaire, représenté par les Arvernes (Auvergne), et résolu à combattre sans relâche l’intrusion et l’invasion romaines. « Les deux peuples sont, dites-vous, taxés chacun à 35,000 hommes ; mais l’égalité est bientôt rompue au profit du premier. Le groupe des Séquanes, des Sénons et autres fournira seulement 12,000 hommes ; les Bellovakes 10,000, les Lémovikes, les Pictons et d’autres, ensemble 8,000 ; les Suessions, les Ambiani et d’autres, ensemble seulement 5,000… Tandis que les Rauraques et les Boïens doivent en donner 30,000, la grande confédération armoricaine, y compris les Calètes (Caux), n’en enverra pas plus de 6,000… C’est surtout cette disproportion frappante entre le contingent de l’Armorique, grande et belliqueuse confédération, et celui des Boïens joints aux Rauraques, alliés ou cliens des Éduens, cantons de médiocre importance, qui permet de découvrir le mobile d’une telle répartition. On mêle ensemble des combattans originaires de pays éloignés les uns des autres, qui ne se connaissent pas, les Séquanes par exemple avec les gens de Saintonge, les Tourangeaux, avec ceux du Vivarais, les Messins avec les Périgourdins, gens sans prétention, mais qui, joints à leurs voisins, auraient pu former des groupes de taille à balancer la prépondérance éduenne[2]. »

J’ai dû citer presqu’en son entier, monsieur, ce passage de votre

  1. Vercingétorix et l’indépendance gauloise. Paris, 1875.
  2. Revue du 1er septembre, p. 62-63.