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divers et dénotant une souplesse de talent et une réunion de qualités tout à fait exceptionnelles. La Rentrée des troupes à Berlin après la guerre de 1866 était la plus étudiée de ces compositions. Au milieu, dans la rue, les vainqueurs défilent sous une pluie de bouquets ; mais dans les maisons qui s’élèvent de part et d’autre, l’artiste a groupé les contrastes que comportait un pareil jour. À gauche, on est tout entier à la joie, à l’ivresse du triomphe ; tandis qu’à droite on recueille avec précaution des blessés, on les entoure de soins attentifs, et à l’écart de pauvres parens, vêtus de deuil, se dérobent à l’allégresse générale pour pleurer leurs chers absens. Citons encore, comme deux merveilles, les intérieurs d’église, à Inspruck et à Salzbourg, du même peintre. En haut, vivement éclairés, de blanches murailles, des tableaux, des autels tout resplendissans de dorures ; puis, par des dégradations insensibles, une lumière qui décroît, des cierges allumés qui brillent dans une ombre mystérieuse et tiède, et au premier plan, des fidèles, des femmes absorbées dans leur prière avec une impression de silence et d’intime recueillement. Au lieu des lourdeurs et des prétentions que, trop souvent jusqu’ici nous avons eu à signaler dans les œuvres des peintres allemands, voici enfin un véritable artiste, plein de tact et de goût, d’élégance et de grâce facile, et qui soutiendrait dignement toute comparaison avec les plus fins de nos maîtres français.


II.

À côté des œuvres des artistes contemporains, le Palais de Cristal contenait une exposition des industries de luxe de l’Allemagne et une exposition rétrospective. Cette manifestation, due à l’initiative privée, était exclusivement germanique. Le but qu’on avait en vue devait lui attirer la sympathie qu’elle avait rencontrée : on voulait, en rapprochant ainsi l’art et l’industrie, amener entre l’une et l’autre cette alliance étroite dont le passé avait offert la complète expression et l’exemple. Mais, au lieu d’assigner, dans le vaste local dont on disposait, des emplacemens différens aux productions des artistes et à celles des industriels, on les avait indistinctement mêlées. Côte à côte, par une innovation tout à fait malencontreuse, tableaux, trophées d’armes, glaces et tapisseries s’étalaient sur les mêmes murailles, et les sculptures originales n’étaient point séparées des reproductions de statues, en fonte ou en terre cuite. Ce n’était plus un rapprochement, c’était une confusion aussi fâcheuse pour les artistes que pour les industriels, ni les uns ni les autres n’ayant à gagner à cette promiscuité. Bien qu’on eût eu l’intention de n’admettre que des produits qui, par