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V.

La galerie de Munich est, sous le rapport des maîtres italiens, fort inférieure à celle de Dresde : ils n’y sont ni très nombreux, ni représentés par des productions bien importantes. On sent trop, dans la hâte mise à les réunir, qu’on s’est préoccupé d’amasser plutôt que de choisir, et nous aurons bientôt fini de signaler les œuvres qui par leur mérite ou leur authenticité réclament ici notre attention. Il nous sera donc permis d’omettre les madones primitives, assez rares d’ailleurs et assez suspectes, qui avec leurs gros yeux ronds, leurs visages émaciés ou boursouflés, semblent placées là pour attester que les Vierges du nord n’ont pas eu seules le privilège de la laideur. Mais en Italie du moins, grâce aux instincts naturels de la race, grâce aussi aux traditions et aux monumens de l’antiquité, le goût s’épura plus tôt, et de bonne heure l’art s’attacha à la recherche de la beauté. N’est-ce pas au début même de cet art qu’on peut rencontrer des œuvres comme celles d’Angélique de Fiesole, suaves et gracieuses, charmantes comme ces fleurs précoces qui naissent au milieu même des rigueurs de l’hiver? Quelles figures expressives, quelle chasteté dans le dessin, quelle clarté dans la composition de ces quatre petits tableaux qui proviennent de la pharmacie du couvent de Saint-Marc, et qui nous retracent les principales scènes des martyres de saint Côme et de saint Damien ! Peu d’ombres, des couleurs tendres, des bleus vifs et des roses pâles, un air d’innocent abandon et je ne sais quel parfum délicat et pur qui, à travers les âges, n’a rien perdu de sa fraîcheur. On sourit à ces naïves inventions, à ces procédés encore enfantins d’un art qui, ne pouvant se résigner à l’immobilité, s’ingénie à peindre la succession des faits, et à dérouler à la fois dans une même œuvre les principaux épisodes de toute une vie. On sourit... et cependant il faut admirer aussi, tant la foi du croyant est entière, tant est candide et transparente en quelque sorte cette âme qui se dévoile à nous si clairement.

Mais déjà l’éclosion est proche, et peu à peu dans toutes les écoles italiennes apparaissent les précurseurs. C’est Ghirlandajo, représenté par deux tableaux importans qui décoraient autrefois le maître-autel de Santa-Novella de Florence; c’est Mantegna et son austérité puissante; c’est Francia, l’orfèvre de Bologne; c’est Pérugin surtout, qui, avec son nom deux fois illustre, se recommande ici à notre admiration par une œuvre de premier ordre, et qui marque non-seulement chez le maître, mais dans l’histoire même de l’art, un pas décisif. La belle disposition des lignes dans la Vierge apparaissant