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loi des élections apparaissait comme l’objet des plus prochains, des plus inévitables conflits.

Cette loi du 5 février 1817, présentée ou acceptée par M. Lainé, conçue en réalité par les doctrinaires dans la pensée de consacrer la prépondérance des classes moyennes, cette loi se résumait en trois points essentiels : le suffrage direct attaché au cens fixé par la charte, le scrutin de liste par département, et le renouvellement annuel par cinquième de la chambre. Telle qu’elle était, la loi du 5 février avait probablement dépassé les calculs de ceux qui l’avaient proposée ou votée; elle avait surtout l’inconvénient d’entretenir par le renouvellement annuel la fièvre dans le pays, l’instabilité et la mobilité des partis dans le parlement. La première expérience électorale de 1817, sans modifier sensiblement les conditions parlementaires, avait commencé à inspirer des doutes. Le second renouvellement du mois d’octobre 1818, en envoyant à la chambre quelques-uns des libéraux les plus accentués, excitait une sorte de panique dans le monde royaliste. Aussitôt on en venait à se demander si, par une série de renouvellemens annuels, il n’y aurait pas une heure où une majorité ennemie serait maîtresse de la chambre des députés. C’était le mot de M. de Wendel à De Serre, et le duc de Richelieu, qui, pendant ce temps, négociait à Aix-la-Chapelle la libération du territoire, qui mettait un zèle patriotique à rassurer l’Europe, à pallier les incohérences intérieures de la France, le duc de Richelieu n’était pas le moins troublé. Fier sans doute du succès de sa grande négociation nationale, mais ému, presque irrité des élections qui lui gâtaient son œuvre, il ne rentrait à Paris aux derniers jours de novembre 1818 que pour retrouver ses collègues agités eux-mêmes et partagés; il ajoutait par ses propres inquiétudes aux agitations du ministère. Sans le vouloir, par son arrivée, il donnait le signal d’une véritable crise de gouvernement, et c’est ainsi qu’en 1818, comme on l’a vu depuis dans des circonstances plus douloureuses encore, au moment où la plus grave question extérieure cessait de peser sur la France délivrée des occupations ennemies, la question intérieure éclatait ou renaissait dans toute sa vivacité!


I.

La situation à ce moment était aussi confuse que pénible. Seul peut-être, Louis XVIII gardait une sorte de sérénité supérieure. Il venait de recevoir en roi, aux Tuileries, les deux souverains de la Russie et de la Prusse, qui avaient quitté Aix-Ia-Chapelle pour lui faire une courte visite; il su flattait de les avoir conquis. Il considérait, — il l’a écrit lui-même, — « comme l’instant le plus heureux