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de sa vie » cette heure où, par les habiles négociations de son premier ministre, il pouvait enfin « voir le drapeau français flotter sur toutes les villes françaises. » Louis XVIII, tout entier à la joie patriotique de ce succès, ne s’affectait pas sérieusement de quelques élections qui avaient pu le contrarier, mais qui après tout laissaient intacte une immense majorité royaliste, et il ne voyait aucune raison de changer son ministère ou sa politique.

Autour du roi, au contraire, régnaient le trouble et l’incertitude. La loi du 5 février 1817 devait-elle être maintenue? serait-elle remaniée complètement ou partiellement, et si elle devait être modifiée, quelles réformes proposerait-on? après les élections récentes, le moment n’était-il pas venu de redresser la direction des affaires et de revenir dans une certaine mesure vers la droite? Ces questions compliquées, redevenues ardentes, passionnaient et divisaient les esprits. Au fond, c’était toujours la lutte de deux politiques. Plus que jamais sans doute, par le service qu’il venait de rendre, que le roi reconnaissait et dont ses collègues se plaisaient à lui faire honneur, le duc de Richelieu semblait rester l’homme de la situation. Tout le monde s’inclinait devant la prééminence du patriotisme utile et heureux. Quand on en venait aux choses pratiques, à un système de conduite devant les chambres, on ne s’entendait plus. Le président du conseil, dans ses velléités d’évolution royaliste, avait l’appui de M. Lainé, même de M. Mole. Le maréchal Gouvion Saint-Cyr, M. Decazes, M. Pasquier, sans se refuser à tout changement dans la loi des élections, voyaient du danger à soulever prématurément une question délicate, et ils admettaient beaucoup moins la nécessité d’un retour vers la droite qui ressemblerait à un désaveu de la politique du 5 septembre. Le ministère se trouvait partagé en deux camps. De là une crise laborieuse et obscure qui se déroulait un mois durant au milieu de toute sorte de péripéties intimes.

Évidemment le duc de Richelieu avait cédé à des impressions trop vives. Il avait cru trop aisément trouver des collègues disposés à le suivre dans une politique dont il ne se faisait pas lui-même une idée très exacte, et, une fois engagé dans cette voie, il se laissait entraîner à deux actes ou deux démarches qui aggravaient tout et compromettaient tout. Dès le début de la session, une intrigue que le président du conseil ne connaissait pas, mais qui avait été nouée précisément pour répondre à ses vœux secrets, portait au premier rang des candidats à la présidence de la chambre M. Ravez, à la place de De Serre, qui ne venait plus qu’au second rang. Le duc de Richelieu, flatté dans ses sentimens intimes, voyant dans la majorité donnée au premier candidat le signe d’une alliance possible avec la droite, se hâtait de soumettre au roi la nomination de M. Ravez sans prendre même l’avis du conseil. Une explosion de surprise répondait