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à quatre heures du matin avec Thiers et d’autres, il y a de bonnes rai- sons de croire, comme on l’affirme aussi, que les burgraves avaient un coup tout prêt contre le président et précisément pour ce jour-là. Le président aura donc agi d’après ce principe que le meilleur moyen de parer, c’est de frapper soi-même. Votre dépêche de lundi laissait entrevoir des chances de succès pour les burgraves aussi bien que pour Louis-Napoléon, puisque dans la première partie vous considérez comme possible que le pouvoir passe de ses mains en d’autres mains. J’ai des raisons de croire, car on me l’a dit de plusieurs côtés, que le président a été quelquefois induit à penser, d’après vos intimes relations avec le parti des burgraves, que vos sympathies politiques leur étaient acquises plutôt qu’à lui. Assurément, on ne peut attendre d’un ministre ou d’un ambassadeur qu’il adapte ses relations mondaines aux jalousies politiques du gouvernement auprès duquel il est accrédité ; mais, s’il arrive que des amitiés personnelles, des intimités privées et sociales le mettent en communication fréquente avec des personnes hostiles au gouvernement, il est absolument nécessaire qu’il prenne soin de détruire dans l’esprit du gouvernement toutes les fausses appréhensions que de pareilles circonstances pourraient faire naître. Je ne doute pas que vous n’ayez eu soin d’agir de la sorte. Quant au respect de la loi et de la constitution, sentiment familier aux Anglais, comme le dit votre dépêche d’hier, ce respect appartient aux lois justes, équitables, aux lois qui font partie d’une constitution fondée sur la raison, consacrée par son ancienneté, consacrée par le souvenir de longues années de bonheur dont elle a fait jouir la nation, mais ce ne serait pas faire une juste application de ces sentimens que de les réclamer en faveur d’une bêtise d’avant-hier, sortie des pauvres cervelles de Marrast et de Tocqueville pour le tourment de la nation française. Je suis obligé de dire qu’on a fait plus d’honneur à cette constitution en la violant qu’en l’observant.

« Il était grand temps de se débarrasser de ce puéril non-sens. Et comme l’assemblée ne paraissait pas résolue à s’en débarrasser d’une manière pacifique, après délibération, par des changemens et des amendemens, je ne suis pas étonné que le président ait pris le parti de se débarrasser de l’assemblée comme d’un obstacle à tout arrangement raisonnable.

« Si les chefs de l’assemblée, comme nous le supposons, s’apprêtaient à lui porter un coup soudain, il avait absolument le droit, par le même motif, de frapper le premier et de les jeter à bas.

« Je m’aperçois que j’ai écrit par méprise sur deux feuillets. Les pages blanches sont un fidèle emblème de l’état présent de la constitution française. Il est curieux qu’une nation comme la nation française, après plus de soixante ans de luttes politiques et cinq révolutions (en