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« Le parlement se réunit le 31 janvier ; jusque-là il ne sera tenu aucun compte de tout ce qui a été dit, mais alors on en viendra à un éclaircissement, si ceux qui donnent des coups de poignard dans l’ombre ne reculent pas devant une lutte ouverte. Ma santé est tolérable ; je suis tourmenté de temps en temps par des douleurs rhumatismales aux épaules et par mon catarrhe.

« Je mets sous ce pli le premier article du Daily News d’aujourd’hui. Vous me manquez terriblement en des temps comme ceux-ci où une conversation avec vous me ferait tant de bien. »


L’article du Daily News (nous devons cette indication aux notes de Stockmar) annonçait qu’à la prochaine réunion du parlement, M. Rœbuck, le député radical, demanderait des explications catégoriques aux ministres sur les bruits si répandus et si généralement admis, touchant la participation illégale du prince-époux aux affaires du gouvernement. M. Ernest de Stockmar, l’éditeur des Mémoires du baron, fait remarquer ici que le champ des attaques s’agrandissait : jusque-là on n’avait parlé que de l’influence exercée par le prince en faveur de la Russie et de l’absolutisme continental ; maintenant il s’agissait de son ingérence dans toutes les affaires de l’état, ingérence illégitime, sans responsabilité, sans contrôle, tout à fait contraire à la constitution.

L’accusation prenant ce caractère général, ce fut une occasion pour beaucoup de gens de réveiller, de ranimer d’anciens griefs contre le prince, griefs non pas oubliés, on va le voir, mais plus ou moins effacés par l’habitude. M. Ernest de Stockmar, résumant ces griefs d’après les notes de son père, essaie de les distribuer par ordre, d’en donner en quelque sorte la classification. D’abord, au fond de tous ces reproches, les uns frivoles, les autres sérieux, il y a un point commun et celui-là tout à fait incontestable : le prince est un étranger. Il était difficile qu’il en fût autrement. N’importe ; a foreigner, quoi de plus grave ? « C’est là, dit M. Ernest de Stockmar, une chose que l’intolérance des insulaires peut difficilement pardonner. Cette intolérance est telle que les formes, les mœurs, les usages extérieurs de la vie, sont élevés par l’insulaire au rang d’articles de foi, et que les raffinés seuls, les hommes de haute et rare culture, parviennent à s’en affranchir, théoriquement au moins. » À ce point de vue des formes, on découvrait chez lui bien des hérésies. Il ne s’habillait pas suivant l’orthodoxie anglaise, il ne montait pas à cheval suivant l’orthodoxie anglaise, l’orthodoxie anglaise condamnait sa manière de donner le shake handsM. de Stockmar ne clôt pas ici la liste des hérésies du prince ; il dirait volontiers, s’il avait la gaîté de Beaumarchais : et cœtera, et cœtera,