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cela m’a été un terrible souci, car la chose était trop sérieuse pour ne pas exiger l’attention la plus grave et la plus précise. La triste chose pourtant qu’un si grand nombre de gens m’aient regardé comme un fourbe et un traître ! Je ne me sentirai tout à fait à l’aise qu’après la clôture des débats du parlement ; il ne suffit pas que ces rumeurs soient dissipées pour un temps, il faut que l’ennemi soit frappé à la tête et la maladie radicalement extirpée. Ce qui s’est passé peut me rendre le plus grand service pour l’avenir. »


Ainsi, le prince arrêté, la reine arrêtée, voilà ce que l’Angleterre a pu croire, et la foule s’attroupait à Londres pour voir la royauté passer sous les guichets de la vieille Tour !

Il était grand temps que le parlement se réunît. Heureux pays en somme où le retour des représentans de la nation, au lieu d’être comme ailleurs un signal de batailles, suffit à calmer les agitations les plus folles ! Rassuré par la présence des chambres, le peuple de Londres s’apaisa aussitôt. C’est le 31 décembre que le parlement fut ouvert par la reine avec la solennité ordinaire. Dès la première nuit, la question du prince Albert fut portée à la chambre des lords et à la chambre des communes. Le lendemain la reine adressait ce billet à Stockmar :


Windsor-Castle, 1er février 1854.

« Je vous écris dans la plénitude de ma joie ; toutes les calomnies ont été réfutées la nuit dernière d’une façon triomphante. La position de mon bien-aimé seigneur et maître a été définie une fois pour toutes, et ses mérites ont été reconnus de tous les côtés avec la plus parfaite convenance. Il y avait sur notre passage un immense concours de peuple quand nous nous sommes rendus à la chambre des lords, et la foule était très amicale.

« Je vous envoie un journal qui, je pense, vous fera plaisir. Lord John s’est comporté admirablement, ainsi que notre cher et excellent Aberdeen, qui avait pris la chose terriblement à cœur.

« Bien des remercîmens pour vos bonnes paroles du 22. Elles m’ont fait beaucoup de plaisir.

« Nous allons bien tous les deux, et je suis sûre que nous allons recouvrer toute la force, toute l’égalité d’esprit qui nous est nécessaire pour affronter les grandes difficultés et les grandes épreuves de l’heure présente. »


Le lendemain, une lettre du prince Albert à Stockmar complétait le billet de la reine :