Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/710

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1877.

Il fallait bien s’y attendre. Il fallait bien prévoir qu’en semant les vents on recueillerait les orages, et qu’un jour ou l’autre toutes ces anomalies, ces incohérences accumulées depuis six mois viendraient se résoudre dans une crise définitive. Ce qu’on redoutait, ce qu’on voyait venir, s’est réalisé. La crise a éclaté, elle a déjà passé par toute sorte de phases obscures, aiguës, énervantes, qui attirent, fatiguent et attristent le sentiment public.

Voilà l’inexorable liquidation ouverte ! Voilà les résultats de cette malheureuse entreprise, où a été si témérairement joué le repos de la France ! L’irritation dans les esprits, la guerre entre les pouvoirs, la détresse dans les affaires, l’incertitude poignante d’un lendemain, c’est le cruel abrégé d’une situation qui jusqu’ici n’a fait que s’aggraver. Six semaines après les élections, trois semaines après la réunion du parlement, la question reste plus que jamais livrée au hasard des incidens qui se succèdent, des résolutions prêtes à s’entre-choquer. Le ministère du 17 mai, réduit à s’avouer vaincu, ne pouvant faire autrement, a pris le parti de cesser de vivre, il a disparu ; mais en disparaissant il a trouvé le moyen de tout embarrasser, de tout compliquer en prétendant couvrir sa retraite, et peut-être garder des gages pour sa politique. Un ministère nouveau s’est formé après bien des essais, bien des tâtonnemens confus ; mais ce ministère de miséricorde est né dans des conditions si bizarres, si peu en rapport avec les circonstances, qu’il n’est ni une solution, ni même un expédient. Entre M. le président de la république, enfermé dans son pouvoir comme dans une citadelle, et la chambre des députés retranchée dans son droit parlementaire, la lutte reste directement engagée, si gravement engagée qu’on en vient à ne plus communiquer, à ne plus se parler, presque à ne plus se connaître. Le sénat, de son côté, hésite visiblement, ne sachant par où prendre son rôle, partagé entre le sentiment de sa responsabilité et les excita-