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de cette profonde réforme. Toujours est-il que cette séparation, cette indépendance mutuelle de la religion et de la politique, de l’église et de l’état, n’est pas une aussi dangereuse nouveauté qu’on le croirait. Elle est déjà presque à demi réalisée sur bien des points, dans bien des pays, surtout en France depuis la révolution ; elle se poursuit d’elle-même par la distinction croissante des deux ordres, par l’émancipation graduelle de la société civile. Dans les choses essentielles, les vieilles confusions ont cessé, et ce que l’Italie a fait à Rome un peu sommairement et un peu rudement sans doute n’est qu’une suite invincible ou un épisode du grand mouvement qui s’accomplit dans les sociétés modernes.

Tout marche dans ce sens. Cavour le voyait, il ne songeait pas à déguiser sous une formule ambitieuse un vulgaire expédient de politique, il embrassait d’un regard perçant l’avenir. M. Minghetti s’inspire dans son livre, comme il s’est inspiré au pouvoir, de cette pensée; mais c’est un esprit trop politique pour croire que de telles réformes peuvent s’accomplir partout, dans tous les pays, sans tenir compte des mœurs, des traditions, en rompant légèrement de vieux liens, en supprimant arbitrairement des budgets des cultes. M. Minghetti est aussi un esprit trop libéral pour ne voir dans un grand principe qu’une arme contre l’indépendance morale de l’église, contre les influences religieuses. Il n’est pas de ceux qui, sous le nom de libéraux, sont des ennemis et des persécuteurs. En un mot, c’est la pensée de M. Minghetti, comme c’était la pensée de Cavour, que le pouvoir civil et le pouvoir religieux, après avoir été longtemps en guerre, après avoir souvent essayé de se réduire mutuellement, ne peuvent retrouver la paix que par la liberté et dans la liberté. Là est la moralité et l’opportunité toujours nouvelle de ce livre séduisant de M. Minghetti, qui semble être aujourd’hui le commentaire anticipé de la politique italienne en présence du prochain conclave d’où sortira le premier pape affranchi de la domination temporelle!


CH. DE MAZADE.



XVIIIe siècle. — Lettres, sciences et arts, par M. Paul Lacroix, 1 vol. in-4o; Paris. Firmin Didot.


Parmi tant de fines images que le XVIIIe siècle nous a laissées de sa vie quotidienne, tableaux ou gravures, vignettes ou dessins, les plus curieuses, à mon avis, celles qui font le plus travailler l’imagination, ce sont les séries d’estampes où apparaissent dans quelque réunion publique les représentans de cette société brillante. Voyez, par exemple, l’Escalier du salon du Louvre en 1753, dessiné et gravé par Gabriel de Saint-Aubin, ou bien encore le Salon de peinture en 1785, gravé par Pierre-Antoine Martini,