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gouvernement hollandais, dont le commerce était la grosse affaire, se gardait de les encourager ; il n’accordait même point de terres à tous les hommes de bonne volonté. Pour devenir colon, il fallait être marié, présenter un certificat de bonne conduite, appartenir à la religion protestante. Par compensation de ces restrictions singulières, il était permis aux émigrans de se faire aider par des esclaves ; mais il leur était interdit de trafiquer avec les natifs ou avec les marins d’autres nations : les fruits que le cultivateur ne consommait point en sa maison ne pouvaient être vendus qu’aux officiers de la compagnie. C’était un monopole absolu, non moins inique qu’absolu, car la compagnie se gardait bien de payer à proportion du bénéfice que cette vente lui apportait. Les habitudes commerciales ont du bon sans doute dans la gestion des affaires publiques ; acheter bon marché et revendre cher est un moyen assuré de s’enrichir que les rois ont le droit d’employer aussi bien que de simples négocians. Encore faut-il que cette façon d’agir ne soit pas établie par monopole. Au bout d’un certain temps, les colons s’en plaignirent avec amertume ; une pétition que tous signèrent, sans exception, fut adressée en Hollande aux directeurs de la compagnie qui n’y virent qu’une manifestation séditieuse : ils y répondirent par la menace de déporter ceux qui s’aviseraient à l’avenir de signer de telles élucubrations. Les gens paisibles se le tinrent pour dit, et ne recommencèrent pas ; les plus mécontens s’embarquèrent en fraude pour retourner en Europe, reniant cette nouvelle patrie où l’on n’était libre ni de gagner honnêtement sa vie ni de s’en aller lorsqu’on n’était pas satisfait. La loi coloniale imposait en effet aux concessionnaires de terrain une résidence de dix années et de vingt années à leurs enfans.

Sur ces entrefaites, la révocation de l’édit de Nantes et la persécution contre les Vaudois des Alpes amenèrent en Hollande quantité de malheureux, la plupart honnêtes paysans ou bons artisans, quelques-uns appartenant même aux classes riches et instruites de la société. La compagnie des Indes offrit à ces exilés de les conduire en Afrique ; elle leur promettait des terres à titre gratuit, et, s’il en était besoin, du matériel agricole dont ils rembourseraient peu à peu la valeur par leur travail. Quelques-uns acceptèrent ; grâce à cette circonstance, la population du cap de Bonne-Espérance s’accrut d’environ cent cinquante Français, hommes, femmes et enfans, tous gens laborieux qui ne tardèrent pas à prospérer. La république hollandaise s’honorait en donnant un asile à de malheureux exilés ; elle était inconséquente en permettant qu’ils fussent soumis dans la colonie au moins tolérant des régimes politiques. Non-seulement ils subissaient, comme leurs prédécesseurs, le rigoureux monopole