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bande de Pretorius et de ses compagnons en voie d’émigrer avec leurs troupeaux et leurs chariots au-delà de la rivière Vaal. Hommes, femmes et enfans de tous âges étaient entassés sous des tentes qui les préservaient à peine de la pluie. Trois ou quatre cents pères de famille s’assemblèrent autour du gouverneur, lui exposant les larmes aux yeux qu’ils se voyaient contraints d’abandonner leurs demeures faute d’être protégés contre les natifs qui avaient envahi la province, et aussi parce que le gouvernement leur mesurait les concessions avec trop de parcimonie. Cette fois encore, sir H. Smith promit séance tenante de donner satisfaction à tout le monde. Il eut même l’heureuse pensée de régler leur situation civile et religieuse. Depuis que les fermiers étaient sortis des districts civilisés, bien des mariages avaient été conclus que ni la loi, ni la religion n’avaient consacrés. Un décret spécial en établit la légitimité, en sorte que les enfans qui en étaient issus reprenaient le droit de faire valoir leurs titres devant les tribunaux. Besoins moraux ou matériels, les boers n’avaient plus à se plaindre, semblait-il, que rien fût négligé de ce qui les intéressait. Après deux mois de courses rapides, le gouverneur rentrait dans sa capitale persuadé que la paix allait régner partout. Cet espoir fut bientôt déçu. Pretorius avait continué sa marche vers le Transvaal, prêchant la révolte à tous ceux qu’il rencontrait en chemin. En vain sir Harry adressa-t-il aux boers une proclamation pathétique pour les rappeler à l’obéissance ; en vain le synode de l’église hollandaise leur envoya-t-il des émissaires. Les fermiers voulaient être libres, ne dépendre que des autorités établies par eux-mêmes, ne pas être assujettis au service militaire des commandos, ne pas souffrir de tribus hostiles au voisinage de leurs domaines. Ils avaient jadis triomphé du farouche Dingaan. Que ne les laissait-on se régir et se défendre seuls ?

Ce n’était plus sur le versant oriental du Drakenberg envahi par les Cafres et les Zoulous, c’était vers les plaines qui s’étendent à perte de vue sur les deux rives du Vaal que Pretorius avait guidé les mécontens. Ce tribun peu connu, à qui l’on ne peut refuser de grandes qualités, eut la prétention d’affranchir tous ceux de ses compatriotes qui avaient quitté les vieilles provinces. On était en 1848 ; le bruit courait que l’Angleterre, menacée par les révolutions de l’Europe, rappelait les garnisons d’outre-mer. Quelques centaines d’hommes armés s’avancèrent jusqu’à Bloemfontein, où résidait un officier anglais qui ne se sentit pas en mesure de résister ; il accepta une capitulation en vertu de laquelle il se retirait sur la rive gauche de l’Orange avec tous les fonctionnaires britanniques ; mais, sans perdre un instant, le gouverneur arriva suivi d’une petite armée de 600 à 700 fusils et de deux pièces de canon ; les Griquas, sous la