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eux ont siégé dans nos premières et mémorables assemblées, et ont compté parmi les fondateurs du système social inauguré en 1789. La plupart d’entre eux ont concouru à la destruction de tout un ancien ordre de choses à jamais disparu, et ont contribué à l’établissement d’un nouveau. Aussi M. Mignet a-t-il pu dire avec raison que, dans ses Notices et portraits, il a passé en revue la révolution et ses crises, la restauration et ses luttes, la monarchie de juillet et ses libres institutions ; qu’il a rattaché les événemens publics à des biographies particulières et montré le mouvement général des idées dans les œuvres de ceux qui ont tant contribué à leur développement. M. Mignet n’a nullement grossi l’importance de son œuvre quand il a dit que la fusion des diverses classés de la vieille monarchie en une seule nation, la division des provinces en départemens, l’abolition du régime féodal privé, lequel avait survécu au régime féodal politique, l’organisation de l’impôt sous la constituante, la création des écoles publiques et de l’Institut national sous la convention, la forme donnée à l’administration moderne sous le consulat, la fondation de la jurisprudence civile sous l’empire, le noble développement des droits politiques sous la royauté constitutionnelle, enfin la marche incessante des sciences sociales et philosophiques, rappellent le souvenir des hommes qu’il avait à faire connaître en peignant leur caractère et en signalant la part qu’ils ont prise aux grands actes de l’histoire contemporaine. Raconter la vie de ces hommes, retracer la glorieuse carrière de Sieyes, de Rœderer, de Talleyrand, de Merlin, de Daunou, de Siméon, de Bignon, de Cabanis, de Lakanal, de Portalis, c’était donc recommencer l’histoire de la révolution française, mais c’était la recommencer dans des conditions différentes. Tandis que, dans cette éloquente vue d’ensemble qui a été la première dans l’ordre des temps des histoires de notre régénération politique, l’historien a embrassé, par un récit substantiel autant que rapide, l’ensemble des événemens, l’interprète de l’Académie a, dans ses portraits, plus spécialement montré le rôle particulier qu’au milieu de ces événemens les circonstances ont assigné à certains hommes. Tandis que, dans son esquisse vigoureuse d’événemens dont M. Thiers allait peindre l’éclatant tableau, M. Mignet a établi la loi générale des faits et montré leur enchaînement logique, le secrétaire perpétuel a tracé d’une main aussi sûre les traits caractéristiques des personnages tour à tour mêlés au drame et engrenés dans l’action. Mais au fond rien n’est changé dans les jugemens. Sans doute dans les notices une part plus grande est faite à l’origine, à l’éducation, aux influences premières, aux habitudes des personnages. Comme ils sont le sujet principal qui doit attirer l’attention, l’artiste a fait converger sur eux la lumière ; ils sont vus plus de face et mis en