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deux partis ne réussirent pas à se mettre d’accord. Enfin, en 1876, lord Carnarvon invita le président Brand à venir en personne conclure un arrangement à Londres. Le résultat de ce voyage fut le paiement à l’état d’Orange d’une indemnité de 90,000 livres sterling pour compensation de tous droits reconnus ou non, à quoi fut ajoutée, à titre de don gracieux, une autre somme de 15,000 livres pour aider à la construction d’un chemin de fer, et comme preuve de l’intérêt que l’Angleterre portait à la jeune république sa voisine.

On le voit, la politique de la Grande-Bretagne, au cours de ce long débat, s’est appuyée tantôt sur la confiance dans ses forces militaires, tantôt sur le raisonnement ; parfois vacillante dans les moyens employés, elle a toujours eu pour principe de maintenir la prépondérance du gouvernement métropolitain, — du gouvernement impérial, comme on dit à Londres, — sur les petits états qui l’entourent. Cette politique la mènera loin si elle y persiste. Les conséquences en seront quelquefois embarrassantes par la multiplicité des conflits qu’engendreront des frontières trop étendues. En ce qui concerne en particulier la province de Griqualand, achetée, pour ainsi dire, à ce prix réduit de 115,000 livres sterling, l’affaire paraît bonne au premier abord, puisque les chercheurs de diamans en ont exporté, année moyenne, pour 2 millions de livres sterling de pierres précieuses en ces derniers temps. Toutefois il est juste de dire que cette nouvelle possession n’a pas été sans créer des embarras dès le début. Le parlement du Cap n’accueillit pas tout de suite l’offre qu’on lui faisait de se l’annexer ; il voulut attendre la solution du débat soulevé par l’état d’Orange. Trois commissaires désignés par le gouverneur du Cap, à savoir un administrateur civil, le commandant des troupes, un magistrat, furent chargés de pourvoir d’un commun accord aux besoins sociaux de la population. Les mineurs, turbulens par caractère, se plaignaient souvent ; ils auraient voulu expulser les hommes de couleur, que l’on accusait de voler les plus beaux diamans. Ces trois commissaires, obligés de demander des instructions au Cap chaque fois qu’une affaire grave surgissait, n’avaient pas une autorité suffisante. D’autre part, il était impossible de soumettre au régime absolu, dans le voisinage immédiat d’une colonie dotée d’institutions libres, les 40,000 Européens venus si loin pour chercher fortune et qui, pas plus là qu’ailleurs, n’entendaient perdre leurs droits civiques. Sur la proposition de sir H. Barkly, des lettres-patentes, en date du 7 février 1873, organisèrent un gouvernement provisoire, composé d’un lieutenant-gouverneur et d’un conseil de huit membres, dont quatre élus. N’est-il pas curieux de voir cet embryon de régime parlementaire éclore au milieu d’un désert, dans une province