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régime parlementaire. Dans la province de Natal, au contraire, en raison de l’immense supériorité de nombre des natifs, le cabinet britannique pensa qu’il était bon de renforcer le pouvoir personnel du lieutenant-gouverneur. Le conseil législatif se montra de bonne composition. Il comprenait quinze membres élus, cinq fonctionnaires ; il consentit, sur les instances de sir Garnet, à s’adjoindre huit nouveaux membres nommés par le gouvernement, si bien que la majorité n’était plus que de deux voix en faveur des élus. Ce changement est à remarquer ; ce n’est pas du reste un incident isolé dans l’histoire des colonies anglaises, car une modification plus radicale encore fut introduite à la Jamaïque, il y a quelques années, à la suite de troubles causés par les nègres. On y peut voir avec quel soin la Grande-Bretagne s’efforce d’approprier la constitution de chaque pays aux élémens parfois variables des populations qui l’habitent.

La révolte de Langalibalele n’était qu’une échauffourée dont on fit plus de bruit qu’il ne convenait. Au nord, dans le Zoulouland, la situation était moins rassurante. Après la bataille remportée par les boers sur les Zoulous en 1840, Dingaan avait été mis à mort par ses propres soldats. Andries Pretorius, qui semble avoir eu les qualités d’un véritable homme d’état, saisit cette occasion d’intervenir en vainqueur dans les affaires intérieures de ses adversaires. Par ses soins et en présence de ses troupes victorieuses, il fit proclamer chef un frère du tyran défunt, Umpanda, dont le caractère lui inspirait quelque confiance. Ce nouveau souverain a régné en effet trente-deux ans, sans qu’il y eût un seul jour querelle entre ses sujets et les Européens. Il était d’autant plus disposé à vivre en paix que la nature l’avait doué d’un embonpoint tel que le moindre déplacement lui était pénible. Par malheur, il avait une trop nombreuse famille, selon l’usage des monarques barbares. L’aîné, Cetywayo, affectait de prendre modèle sur ses oncles, Chaka et Dingaan, plutôt que sur son père ; aussi tout ce qu’il y avait de turbulent dans le pays se réunissait-il autour de lui. Six de ses frères se liguèrent pour lui disputer le pouvoir ; il les poursuivit avec ses partisans, et, après les avoir vaincus, les fît mettre à mort. Deux autres frères s’étaient réfugiés sur le territoire anglais. Comme ils y étaient à l’abri de ses poursuites, il eut l’adresse de se faire reconnaître héritier présomptif dès l’année 1861. M. Shepstone, qui était secrétaire des affaires indigènes à Pietermaritzburg, vint à la résidence de Umpanda pour témoigner par sa présence que les autorités britanniques adhéraient à cet arrangement de famille. On vit alors quelle puissance conservait encore la nation zoulou quoique plusieurs tribus se fussent établies dans la province de Natal, afin