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écoles et des églises, tracé des routes, acheté des charrues, qui sont devenus en un mot presque des hommes civilisés. Kreli, chef des Galekas, avait été dans sa jeunesse un guerrier intrépide ; ce fut jadis l’un des plus rudes adversaires des fermiers de la frontière, de 1846 à 1853. Devenu vieux, il ne demandait qu’à vivre en bonne intelligence avec le résident anglais placé près de lui comme un conseiller, ou plutôt comme un surveillant. Son territoire, compris entre les rivières Kei et Bashee, qui avait été longtemps administré par le gouverneur en sa qualité de haut commissaire, venait d’être annexé à la province du Cap. Peut-être cette transition d’un régime militaire à une administration civile lui parut-elle favorable ; peut-être n’eut-il plus assez de vigueur pour contenir les jeunes gens de sa tribu. Un jour, à la suite d’une querelle entre les Galekas et les Fingoes, il invita le résident à déguerpir avec les missionnaires : peu après, ses sujets attaquèrent les détachemens de police à cheval qui protègent la frontière. L’agitation produite chez les Zoulous par la guerre du Transvaal se calmait à peine ; on craignit que ce nouveau soulèvement ne s’étendît au loin, d’autant que Kreli avait été autrefois le chef le plus influent de toute la Cafrerie. D’ailleurs il n’y avait presque plus de troupes régulières dans la colonie. Depuis qu’elle avait acquis les prérogatives du régime parlementaire, la colonie du Cap avait été mise en demeure de pourvoir avec ses ressources propres à la défense des frontières. Le corps de police à cheval, sorte de gendarmerie, que l’on avait organisée en conséquence, était peu nombreux ; l’habitude de réunir les habitans de race blanche en commandos était oubliée. Aussi l’inquiétude fut-elle grande. Cependant, à l’aide des tribus fidèles et des troupes de volontaires qui se rendirent promptement vers les points menacés, l’insurrection fut bientôt comprimée. On a tué beaucoup d’insurgés, brûlé les kraals de Kreli et de ses sujets qui, bien qu’armés de fusils, n’ont pu tenir devant des troupes pourvues de canons et de carabines à tir rapide. On ne se bat plus ; mais de nouveaux troubles sont à craindre, d’après les dernières nouvelles. Au lieu de prendre cet incident pour prétexte d’un retour au régime militaire, on s’est dit en Angleterre, aussi bien que dans l’Afrique australe, que le meilleur moyen de prévenir les échauffourées de ce genre est de laisser aux colons, qui ont à sacrifier leur argent et quelquefois leur vie pour les réprimer, le soin de les prévenir par une politique conciliante envers les indigènes.

Lorsque les Anglais se sont emparés du Cap, c’était une possession sans importance, utile tout au plus comme port de relâche sur la route de l’Inde dans un temps où le transit par la Mer-Rouge et l’isthme de Suez n’existait pas. C’est devenu, en trois quarts de