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autres ; c’est le prêtre qui après la cérémonie se rend à la porte de l’église où ils se tiennent pour recevoir leur obole. On ne leur donne pas la paix à la messe, ou, si on la leur donne, c’est avec le revers du porte-paix. Traiter de mariage avec eux serait chose aussi inouïe et abominable que si un chrétien parlait de s’unir à une Moresque. Je me rappelle que dans mon enfance on leur défendit toute espèce d’armes, à l’exception d’un couteau sans pointe… La passion et la rage sont arrivées à un tel point qu’on leur, impute des infirmités qu’ils n’ont pas, comme d’être punais, de n’avoir pas besoin de se moucher,… de naître avec un petit bout de queue et autres absurdités qui, bien que contraires à ce qui se voit et se sent tous les jours, se répandent malgré tout… »

Les gafets ou gahets de Guyenne font leur apparition dans l’histoire vers la fin du XIIIe siècle, en même temps que les cagots. Eux aussi étaient tenus pour ladres ; ils avaient à l’église une porte, une place et un bénitier réservés, et ils étaient enterrés séparément. La coutume du Mas-d’Agenais, rédigée en 1388, défend à quiconque « d’acheter, pour les vendre, bétail ou volaille de gafet ou de gafete, ni de louer gafet ou gafete pour vendanger. » La coutume de Marmande défend aux gafets d’aller pieds nus par les rues et sans un « signal » de drap rouge appliqué sur le côté, gauche de la robe, d’acheter ni de séjourner dans la ville un autre jour que le lundi ; elle leur enjoint, s’ils rencontrent homme ou femme, de se mettre à l’écart autant que possible jusqu’à ce que le passant se soit éloigné. Celle de Condom ordonne de leur abandonner les viandes corrompues saisies chez les bouchers. Vers la même époque, les gahets de Bordeaux, charpentiers de leur état, étaient rassemblés dans un faubourg où ils formaient une sorte de communauté. Ils y avaient, au milieu des vignes, une chapelle particulière, aujourd’hui paroisse, appelée de leur nom Saint-Nicolas-des-Gahets, et ils payaient pour le tout un cens annuel de 16 sous au chapitre de la cathédrale Saint-André. Il leur était interdit de toucher aux vivres des marchés ni d’entrer dans les boucheries, les tavernes et les boulangeries. Ce terme de gahet était usité surtout dans le pays bordelais ; celui de capot ou de cassot dans la Gascogne et le Languedoc ; comme les registres des paroisses en font foi ; du reste, l’un et l’autre étaient souvent remplacés par le mot de chrestian ou chrestien, employé anciennement en Béarn sous une forme identique, chrestiaa, pour désigner les cagots. Si maintenant nous tenons compte que les agotes de Navarre, dont le nom n’est qu’une traduction de cagots, sont appelés également dans une foule de textes gafos et christianos, il n’est pas douteux que, malgré les distances qui les séparent, nous n’ayons affaire, des deux côtés des Pyrénées, à une seule et même classe d’individus.