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privilège de la race franque en matière d’impôts n’est indiqué nulle part ailleurs, depuis le VIe siècle jusqu’au XIIe. Partout nous trouvons la mention des impôts publics, jamais nous ne lisons qu’ils aient pesé sur une seule des deux races. Il n’est question de rien de semblable ni dans le traité d’Andelot, ni dans l’édit de 615, ni dans les récits des luttes entre la Neustrie et l’Austrasie.

Toutefois il est juste de dire que, si l’immunité générale des Francs à titre de race supérieure ne se voit nulle part, on aperçoit deux raisons qui firent que beaucoup d’entre eux se trouvèrent en situation de ne pas payer les impôts directe. L’une est que les lois impériales en exemptaient les soldats ; l’autre est que ces mêmes lois en exemptaient aussi ceux qui servaient dans ce qu’on appelait la milice palatine, c’est-à-dire à la cour ou dans les fonctions administratives. Or les Francs, qui servirent l’empire pendant près d’un siècle avant Clovis, étaient accoutumés à ces lois et ils en avaient le bénéfice. Nous pouvons bien croire que ceux d’entre eux qui étaient soldats de Valentinien Ier ou d’Honorius, ceux qui étaient consuls (on en connaît quatre) ou comites domesticorum, tous ces Francs « dont la multitude remplissait, le palais impérial[1]. » connaissaient ces privilèges. Ils durent les conserver lorsque leur chef remplaça les empereurs dans la Gaule. Beaucoup d’entre eux se trouvèrent ainsi exempts d’impôts, les uns à titre de soldats, les autres à titre de domestici ou de leudes, c’est-à-dire de serviteurs du prince et de fonctionnaires. Ajoutons-y l’usage des immunités particulières, qui existait déjà sous l’empire et qui se continua sous les Mérovingiens, et de tout cela nous pourrons conclure que, si l’exemption générale des Francs ne fut jamais posée en principe, il arriva au moins dans la pratique que la plupart d’entre eux furent exempts. Encore doit-on remarquer que beaucoup de Gallo-Romains l’étaient comme eux, car les hommes de cette race servaient dans les armées et dans les fonctions publiques à l’égal des Francs. L’immunité à l’égard des contributions n’était pas le privilège d’une race, mais elle était le privilège de certaines fonctions ou l’objet de certaines faveurs.

Les impôts romains survécurent donc à l’empire. On ne rencontre ni un acte législatif ni une insurrection qui les ait abolis. Les documens ne montrent pas qu’aucune des contributions directes ou indirectes que l’empire avait établies ait été supprimée sous les Mérovingiens. Clotaire II s’engagea bien en 615 à « réformer les nouveaux cens qui avaient été ajoutés injustement, » mais il conserva les anciens. On levait encore des impôts directs au temps de Dagobert Ier et de Clotaire III, ainsi que le témoignent la Vie de

  1. Ammien Marcellin, XV, 5 : Franci quorum tunc multitudo in palavio florebat.