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Wandrille, dans les lettres de l’évêque Frothaire et de l’abbé Loup de Ferrières, montrent que le don, véritable impôt annuel, fut payé assez régulièrement. Il semble à certains traits que le don fût pour les grands propriétaires, laïques ou prélats, ce que le cens était pour les simples hommes libres. Il y avait surtout cette différence essentielle, que le cens des petites gens était perçu par les fonctionnaires, c’est-à-dire par les comtes ou par leurs agens, au lieu que les dons étaient apportés directement ou envoyés par les grands personnages et remis sans intermédiaire aux mains du roi. Ils n’en étaient pas moins obligatoires, et nous avons des lettres d’évêques ou d’abbés qui envoient au palais impérial les dons qu’ils doivent, debita dona. On aperçoit encore d’autres sortes de contributions au IXe siècle. Les chroniques qui racontent le règne de Charles le Chauve nous disent que par trois fois, en 860, en 866, en 877, il leva des impôts extraordinaires ; elles ajoutent que ces impôts portaient sur toute la propriété foncière et mobilière du royaume, et qu’ils frappaient aussi bien les terres des comtes ou des évêques que les tenures des colons, les manses des serfs, et les boutiques des marchands. La tradition de l’impôt public n’avait donc pas encore disparu.

Mais, à côté de tous ces faits, il est une remarque qui en affaiblit beaucoup la portée : c’est que, dans la pratique, ces impôts produisaient peu. Si le trésor de Charlemagne paraît avoir été assez riche, à en juger par ses guerres et ses constructions, il n’en fut certainement plus de même sous ses successeurs. Louis le Pieux et Charles le Chauve semblent n’avoir pas eu de trésor ; ils n’ont que des terres et des guerriers, celles-là s’épuisant de plus en plus, ceux-ci de moins en moins fidèles parce qu’on ne peut plus payer leur fidélité. Les événemens de ces deux règnes ne donnent pas l’idée qu’ils aient pu avoir des finances en bon état. Nous voyons bien, dans les actes législatifs, qu’on paie encore des impôts aux rois ; mais nous ne voyons pas, dans les faits, que ces impôts les rendent riches et forts. Nous remarquons même que ces grandes contributions dont parlent les chroniques sous Charles le Chauve ne donnaient chacune que 4,000 ou 5,000 livres d’argent, somme qui paraît bien faible si l’on songe qu’il s’agit d’impôts levés dans un danger pressant, pour le salut du pays, et auxquels toute la fortune du pays a contribué. D’ailleurs les textes mêmes que nous avons cités, et qui prouvent la permanence de l’impôt public, en font pressentir aussi la disparition prochaine. Quand Charlemagne enjoint à ses missi de rechercher quels sont ceux qui doivent l’impôt, cela nous permet’ de croire qu’il avait été facile à beaucoup d’hommes de se soustraire au paiement des contributions.

La diminution graduelle des impôts publics correspond avec