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l’accumulation du capital, à la division du travail, à l’usage de la monnaie, à l’appropriation du sol ; d’où résulte un accroissement constant de produits qui se partagent en salaires, profits, intérêts et rente en proportion du travail, du capital et de la terre fournis par chacun à l’œuvre de la production, le tout réglé par la loi suprême de l’offre et de la demande. Voilà le résumé de toute l’économie politique « déductive. »

M. Cliffe Leslie a montré récemment, avec la finesse d’analyse et la clarté qui distinguent tous ses écrits, qu’il était impossible de construire une science exacte sur cette base du désir universel de richesse, alors que ce désir prenait les formes les plus diverses chez chaque peuple et même chez chaque individu, l’Oriental mettant une fortune dans les pierreries d’un turban, le paysan français n’estimant que la terre, l’un sacrifiant tout à la possession de tableaux ou de livres, l’autre se ruinant pour des chevaux, pour des jardins ou simplement pour la table. Ce qui fait qu’un objet est une richesse, c’est qu’il répond à un besoin. Or le besoin varie suivant le climat, suivant l’opinion, suivant la mode, suivant les goûts individuels. Des fourrures ou des patins transportés sous l’équateur perdent toute valeur. La qualité de richesse est donc relative et sans cesse variable. Elle gît dans un rapport entre les besoins humains qui changent à chaque instant et les propriétés d’objets qui eux-mêmes se modifient constamment. C’est une tentative vaine que celle de Cournot et de M. Walras, qui s’efforcent de mettre en formules algébriques les problèmes économiques, tout comme celle de Rossi et de Senior, de « déduire » les principes de la science des richesses de quelques axiomes conçus a priori.

Faut-il adopter telle ou telle loi comme favorable à l’accroissement de la richesse ? Sans doute la connaissance des besoins et des instincts généraux de l’homme peut jeter quelque jour sur la question, mais, ces besoins et ces instincts variant suivant le climat, la race, la religion, le gouvernement, les traditions, il faudra tenir compte de toutes ces influences et par conséquent consulter l’expérience des différentes époques et des différens pays. Ainsi l’économiste doit avoir en vue un idéal qui est le bien-être de tous conformément aux prescriptions du juste ; mais il recherchera quelles sont les lois et les institutions qui y mènent, en tenant compte de la nature de l’homme en général et du tempérament de chaque peuple en particulier et en s’appuyant sur les faits constatés par l’histoire, la statistique, la description des différens pays. Il rattachera les effets aux causes, et en déduira des règles pratiques.

Un horizon immense s’ouvre ainsi. Il ne s’agit plus de constater ces prétendues lois naturelles dont on parle tant et qui ne sont que de simples truisms, c’est-à-dire l’analyse des effets de la loi de