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centésime, c’est-à-dire 1 pour 100 par mois, et que les usures s’arrêteraient quand elles auraient atteint le chiure du capital prêté. Ce taux de 12 pour 100 devint bientôt le taux légal à Rome, survécut aux guerres civiles, et on le retrouve sous Néron et Dioclétien.

Mais le christianisme avait paru : bientôt il dirigeait le mouvement social, et défense était faite aux clercs de prêter à intérêt, ainsi qu’en témoignent le quarante-quatrième canon des apôtres, le plus ancien sur cette matière, et le premier concile œcuménique, le concile de Nicée ; au moment en effet où Constantin venait de rétablir l’intérêt de 12 pour 100, le concile ne pouvait s’adresser qu’aux clercs seuls pour ne pas se mettre en opposition avec la loi civile. Ce n’est que peu à peu et pour obvier aux sévérités souvent excessives des prêteurs que les pères de l’église réagirent contre les excès de la société laïque en matière de prêts et en vinrent à condamner partout l’intérêt. Saint Basile, un des premiers, voulut populariser la gratuité, et après lui saint Grégoire et saint Chrysostôme : à côté de l’église grecque, l’église latine marcha dans la même voie, et saint Ambroise, saint Jérôme à Rome, saint Augustin en Afrique, prêchèrent la loi religieuse que le pape saint Léon imposait directement à l’Italie.

Dans la Gaule au contraire aussi bien qu’en Grèce, les mœurs commerciales avaient longtemps maintenu le prêt à intérêt, et c’est seulement à la législation des capitulaires que sont dus l’abrogation des lois impériales sur les usures et l’accord de l’église avec l’état pour en proscrire l’usage. Des Carlovingiens jusqu’aux derniers Capétiens, cet accord a subsisté : le prêt à intérêt devint un cas d’excommunication, et pendant tout le moyen âge les sévérités de l’église s’appliquèrent aux laïques aussi bien qu’aux clercs. Le pouvoir séculier se mit, pour les faire respecter, au service de l’autorité ecclésiastique. On sait toutefois quelles exceptions furent faites en faveur des lombards et des juifs. Ces riches marchands de Florence, souverains dans leur pays, banquiers des rois, oppresseurs des peuples, ces prêteurs hébreux, durs dans la bonne fortune, patiens dans la mauvaise, persécuteurs et persécutés, chassés, rappelés, bannis tour à tour, eurent seuls pendant de longs siècles le privilège de tirer d’énormes profits de leur argent, et dans toute l’Europe firent payer à des taux excessifs les services qu’ils rendaient aux souverains et aux sujets. La tenue des banques, l’érection des tables de prêt, furent des concessions royales que les princes avaient permission d’octroyer aux lombards et aux juifs moyennant sacrifices financiers, et dont ceux-ci pouvaient par conséquent récupérer le prix. Le commerce de l’argent, le taux du change, l’emploi du papier, couvrirent d’une forme acceptée le prêt à intérêt et dissimulèrent l’usure. Le contrat de rente enfin lui servit de manteau au grand