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indigène, dans les cas où il fallait la subir, contre les lumières, l’impartialité et l’autorité qui semblent, au premier examen, assurées à la nouvelle magistrature.

Voici en effet la composition des tribunaux dont on vient de voir la compétence. Il en est institué trois, à Alexandrie, au Caire et à Ismaïlia, qui a remplacé Zagazig. Chacun est composé de quatre étrangers et trois indigènes. Cinq juges, dont trois étrangers, doivent concourir pour prononcer chaque sentence. Le titre de président est réservé à un indigène, mais la présidence réelle des audiences avec le titre de vice-président appartient à un Européen. La cour d’appel siégeant à Alexandrie est composée de quatre membres indigènes et sept étrangers, dont huit, savoir cinq étrangers et trois indigènes, doivent siéger à chaque audience. La nomination et l’investiture des magistrats appartiennent au khédive ; mais ils ne peuvent être choisis qu’avec l’acquiescement du ministre de la justice de leur pays. Ils nomment eux-mêmes leur vice-président. Toutes sortes de précautions sont prises pour assurer l’indépendance et l’intégrité des juges. Leur traitement est fixe ; ils ne peuvent recevoir de personne ni cadeau, ni marques honorifiques ; inamovibles, ils ne dépendent pour l’avancement et la discipline que du corps judiciaire lui-même. Un personnel de greffiers, huissiers, avocats, sert d’auxiliaire à ces divers tribunaux, auxquels il est soumis pour tout ce qui concerne la discipline.

Telle est, dans ses traits principaux, l’organisation qui a été adoptée par l’Égypte, d’accord avec les puissances, pour assurer la bonne administration de la justice et garantir les droits de tous. Toutefois l’Europe n’a pas voulu rendre irrévocables des concessions qu’elle avait mesurées d’une main si économe : le système actuel ne doit rester en vigueur sans modifications que pendant cinq années, au bout desquelles il sera loisible aux puissances de réclamer le retour à l’ancien état de choses ou de proposer de nouvelles combinaisons. C’est donc une expérience qui se poursuit depuis deux ans ; il est d’un haut intérêt d’en examiner dès à présent les résultats et de reconnaître dans quelle mesure elle justifie les critiques ou les espérances dont la réforme a été l’objet.


II

Ce qu’espérait sans nul doute le vice-roi, ce que redoutait la population européenne, c’était l’absorption des nouveaux tribunaux dans l’administration égyptienne. Le gouvernement, sachant par une trop longue expérience ce qu’on peut obtenir des hommes avec de la ténacité et de l’argent, se flattait d’exercer une influence sans