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25 centimètres, pesant 12 tonnes. Sa cuirasse est de 21 centimètres[1]. Il a été construit en France, à la Seyne, près Toulon, et les autres en Angleterre ou en Écosse. Enfin les cuirassés inférieurs, qu’on appelle en Turquie des bâtimens de troisième rang, sont au nombre de sept. Ils sont diversement armés. Il semble qu’on aperçoive ici la trace de ces tâtonnemens qui font de la flotte anglaise surtout « une cavalerie composée de montures de toute espèce. » Ces divergences proviennent des destinations toutes spéciales auxquelles les gouvernemens entendent pourvoir en raison des préoccupations politiques au moment où ces bâtimens sont construits. La flotte turque, sans être restée tout à fait à l’abri de cette bigarrure, a conservé une certaine homogénéité et présente un ensemble de matériel naval plus régulier que beaucoup d’autres. C’est un de ceux où l’imagination des constructeurs s’est donné le moins de carrière. Les innovations qu’on recherche volontiers, ne serait-ce que pour le plaisir de l’initiative, n’ont point été encouragées par la Turquie. Cette puissance est restée fidèle aux types généralement adoptés dans les divers états, et c’est ainsi qu’elle s’est mise en possession d’une flotte homogène qui a précisément manqué à ses adversaires. La flotte de bataille du sultan compte donc encore aujourd’hui quinze vaisseaux et frégates cuirassés, tous en fer, tous bien armés, tous capables de prendre part à une action générale. Si l’on ajoute à cet effectif deux canonnières à tourelles propres au service de mer, cinq canonnières fluviales pour la navigation du Danube, deux béliers de mer qui sont des corvettes casematées, et enfin dix monitors de côtes et de rivières, on connaîtra le nombre et la force des bâtimens blindés de la Turquie.

Au résumé, les vaisseaux de cette flotte ont une artillerie dont les plus grosses pièces sont de 27 centimètres et pèsent 18 tonnes. La majorité des autres porte des canons au maximum de 25 centimètres, du poids de 12 tonnes. Leurs cuirasses ont 32 centimètres d’épaisseur, qui sur plusieurs bâtimens sont amincies jusqu’à 13 centimètres. En comparaison du Duilio, c’est peu sans doute. En effet, on peut se rendre compte du progrès, si c’est un progrès, que ce bâtiment a réalisé, puisqu’il a des canons quatre fois plus pesans que les plus lourds de la flotte turque, et une cuirasse dont l’épaisseur est plus forte de 23 centimètres que les cuirasses les plus fortes de cette marine. En somme, celle-ci présente une « rangée de dents » de près de deux cents pièces qu’elle aurait pu mettre en ligne dans le détroit des Dardanelles, s’il s’était agi d’en disputer le passage. Voyons maintenant quels sont les moyens de combat que les Russes avaient à leur disposition.

  1. Tous ces chiffres, puisés à des sources authentiques, sont approximatifs.