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présentent un chapelet d’ouvrages fortifiés, égrené le long d’un contour de 80 verstes. Ces fortifications, qui s’étendent jusqu’au Dniester et protègent Odessa, sont armées de pièces de gros calibre auxquelles se joint un système de défense organisé avec des mines sous-marines. Une division de la flottille des bateaux-torpilleurs est stationnée à Odessa, dont elle rend les approches encore plus périlleuses. En remontant vers Nicolaïef, on rencontre l’isthme de Perekop, célèbre dans les annales de la guerre franco-anglaise en Russie. Le gouvernement du tsar a fortifié cette langue de terre qui réunit la Crimée au continent. On y a construit des retranchemens et placé des batteries comme s’il s’agissait d’empêcher l’invasion de l’empire….. par une escadre turque. Des sommes considérables ont été consacrées à l’augmentation des ouvrages de défenses qui entourent Sébastopol. D’autres localités, dont les noms sont également devenus populaires depuis le siège de ce grand port, telles que la baie de la Tchernaïa, que les flottes alliées ont occupée, Balaklava, où les Turcs en 1855 précisément avaient pris une attitude peu résolue dans une bataille livrée par les Russes, le cap Chersonèse, ont été entourées de torpilles. Balaklava est d’ailleurs protégé par un fort. A gauche de Nicolaïef et de la Crimée, au détroit de Yeni-Kalé, là où commence la côte asiatique, les forts se succèdent, comme les anneaux pressés d’une chaîne de fer ; des torpilles ont été placées en avant, et c’est à peine si les escadres turques ont pu approcher assez près pour bombarder un ou deux de ces ouvrages moins protégés que les autres. Ajoutons que ces escadres étaient munies d’appareils propres au dragage des torpilles. Ces instrumens sont des ancres ou grappins qu’on lance par un petit obusier à la distance de 90 mètres. Un autre système de grappins était traîné par des embarcations remorquées qui enlevaient les mines sous-marines.

Ce qui ressort de ces faits, c’est le rôle prépondérant des torpilles dans toute guerre où figureront d’un côté une marine supérieure et de l’autre une puissance plus militaire que maritime. Les torpilles suffiront à protéger ses rivages. C’est ce que l’expérience nouvelle de la guerre des Turcs vient de démontrer avec une entière évidence. D’ailleurs cette expérience n’a pas été bornée à la défense des côtes au moyen d’un cordon de mines et d’ouvrages défensifs. Un ensemble de mouvemens offensifs en a fait partie. La flottille d’embarcations préparée pour porter en mer ou dans les fleuves, sous des bâtimens au mouillage, des projectiles explosifs, a eu des occasions de remplir sa mission et les a saisies aussitôt. Nous devons, au terme de notre travail, dire quelques mots de ces aventureuses expéditions.