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encore été troublés par quelques éclairs dont l’éclat rappelle les orages de ses premières années. George Sand fut mal inspirée lorsque, dans le roman d’Elle et Lui, elle écrivit le récit trop transparent d’un épisode de sa jeunesse qui, disait avec raison Sainte-Beuve, est entré dans le roman du siècle. Plutôt que de faire retomber, sur la mémoire de celui qui n’était plus là pour se défendre, des torts réels ou imaginaires, elle aurait dû se souvenir de ces vers de la Nuit d’octobre :

Les morts dorment en paix dans le sein de la terre.
Ainsi doivent dormir nos sentimens éteints.
Ces reliques du cœur ont aussi leur poussière,
Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.


Elle a porté, au contraire, la main sur ces reliques, et par là elle a mérité les reproches qui lui ont été adressés au nom d’une affection justement émue, en même temps qu’elle s’exposait aux hasards d’une longue controverse. Ce fut aussi à un sentiment fâcheux qu’elle céda lorsqu’elle voulut répondre à l’éclatant succès que Sibylle avait valu au plus délicat de nos romanciers, par la composition d’un roman qui en fut en quelque sorte la contre-partie. Dans Sibylle, M. Octave Feuillet avait peint sans l’approuver l’exaltation religieuse d’une jeune fille qui refuse de s’unir à l’homme qu’elle aime avant de l’avoir amené à partager sa foi. Dans Mademoiselle de la Quintinie, George Sand propose à la sympathie et à l’admiration de ses lecteurs un jeune philosophe qui exige et obtient de sa fiancée avant son mariage le sacrifice des scrupules de sa conscience religieuse. Il eût été plus digne d’elle de ne pas mettre son talent au service de ce sophisme et de comprendre qu’en dépit de toutes les assimilations de la logique, l’ardeur excessive du sentiment religieux chez une femme paraîtra toujours et à juste titre moins odieuse que l’intolérance du fanatisme incrédule chez un homme.

Cet éclat subit de colère contre le catholicisme n’est pas, au reste, en harmonie avec l’apaisement qui paraît s’être fait dans-son âme pendant les dernières années de sa vie. « J’ai eu, faisait-elle dire autrefois à Lélia, de grandes ambitions de certitude que la fatigue et la douleur ont refroidies. » Peut-être étaient-ce aussi la fatigue et l’âge, sinon la douleur, qui avaient refroidi chez elle les grandes ambitions de certitude. Je ne crois pas en effet que la solution des redoutables problèmes dont sa jeunesse avait été tourmentée si fort apparut d’une façon beaucoup plus claire aux yeux affaiblis de sa vieillesse. Mais elle en poursuivait du moins la réponse sans irritation et sans révolte. Les colères que lui inspirait