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préoccuper des lourdes charges de l’amortissement et qui verront leur fonds de roulement inscrit au budget de l’état ?

L’état entrepreneur de transports deviendra donc forcément l’état constructeur de machines, fournisseur de rails, fondeur, etc., etc., et personne n’osera lui faire concurrence. Pourquoi, dans un autre ordre d’idées, l’état ne se substituerait-il pas aux compagnies d’assurances ? Pourquoi ne garantirait-il pas chaque citoyen contre les risques d’incendie, de grêle, d’inondation ? On pourrait peut-être y joindre les risques contre le chômage. Pourquoi, surtout, garder la Banque de France, cette institution surannée ? L’état ne fabriquerait-il pas aussi bien que celle-ci des billets de banque et autant qu’il en faudrait ? On a formellement et, selon nous, courageusement proposé de confier à l’état la planche aux obligations. Ce mot seul devrait suffire à juger et à faire rejeter le système. La planche aux obligations, serait bien vite la planche aux assignats, et on sait ce que celle-ci a produit. Il n’y aurait pas en effet grande différence entre des obligations représentant un chemin de fer sans trafic et des assignats représentant des biens invendables. On a récemment adjugé à Bruxelles un lot d’actions d’un chemin de fer français à 6 francs l’une. C’est un assignat de 1,000 livres changé contre deux gros écus d’argent. On est descendu plus bas encore, il y a quelques jours, à Paris : un paquet d’actions d’un chemin de fer presque complètement achevé n’a trouvé preneur qu’à raison de 50 centimes l’action. Émises par le trésor public français, des obligations seraient certainement payées, mais si, comme cela n’est que trop certain, les chemins de fer construits avec le capital réalisé par ces obligations ne rapportent absolument rien, il faudra que l’impôt fournisse directement les fonds nécessaires au service de ces emprunts. Voilà ce qu’il faut que tout le monde comprenne.

Sans essayer d’approfondir ces questions si graves, on dit : l’état gère, et gère bien les services de la poste et des télégraphes ; il est chargé de la fabrication et de la vente des tabacs et des poudres ; pourquoi douter de son aptitude à exploiter des chemins de fer ? Nous répondrons : un état ne peut vivre sans recettes ; le monopole du tabac, celui des poudres, sont des moyens parfaitement légitimes de se procurer de l’argent ; encore pourrait-on examiner la question de savoir si le monopole de la vente entraîne forcément le monopole de la fabrication.

Pour la poste et les télégraphes, on estime généralement que l’état seul peut assurer des services dans lesquels interviennent des considérations d’ordre moral, telles que celle du secret de la correspondance ; mais là encore surgit un problème de la plus haute importance : la gestion du monopole des postes et des télégraphes doit-elle être ou non fiscale ? En d’autres termes, le transport des