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affectueuse dont ils avaient été traités, parlé des merveilles contenues dans le vaisseau. Les braves gens n’étaient plus hostiles envers les étrangers ; ils les engageaient à séjourner, mais Cook tenait à poursuivre ses découvertes.

Avant la nuit, les Néo-Zélandais partent dans leurs pirogues ; ils sont déjà loin, et l’on voit avec surprise que trois d’entre eux sont restés sur le navire. On hèle les rameurs, nul ne consent à revenir. Les insulaires qui ont abandonné leurs camarades ne semblent pas le moins du monde embarrassés de la situation ; ils s’efforcent de charmer par des danses et des chants ; ils prennent part au souper et vont ensuite se coucher bien tranquilles. Le soir, une légère brise s’élève ; le commandant en profite pour gagner vers le sud. Au jour, on est à plusieurs lieues du point où l’on avait stationné ; les pauvres Néo-Zélandais, consternés, se répandent en lamentations, versent des larmes, font des gestes de désespoir ; Tupia eut beaucoup de peine à les calmer. Par bonheur, deux embarcations viennent du rivage dans la direction du vaisseau ; elles s’arrêtent néanmoins ; les insulaires, très en peine de retourner au logis, supplient leurs compatriotes d’approcher, affirmant que les gens du navire ne mangent pas les hommes. On était donc réellement anthropophage à la Nouvelle-Zélande ; la vérité ne pouvait plus demeurer douteuse pour les Anglais, d’abord peu touchés de la crainte manifestée par les enfans pris à bord ; ils avaient cru à une façon d’exprimer la terreur qu’inspirent des ennemis féroces. A la fin, un des canots accoste, un vieillard monte sur le pont ; il emmena les malheureux, qui n’avaient souci de naviguer.

En suivant la côte, on reconnut par 39° 7’ de latitude un promontoire fort élevé, dont le sommet semble tout plat[1] ; au-delà, un îlot que Cook voulut appeler l’île de Portland[2], à raison d’une ressemblance avec la petite île située dans les eaux de l’Angleterre. Des naturels étaient réunis en nombre sur l’île et sur la grande terre, où l’on distinguait des espaces cultivés. En certains endroits, le sol fraîchement remué présentait des sillons ; ailleurs il y avait des végétaux à divers degrés de croissance. Portland dépassé, on aperçut une côte s’étendant vers le sud aussi loin que la vue pouvait porter. Le navire vint à heurter ; les inégalités du fond étaient telles que la sonde n’avait pas révélé le péril. Des groupes d’indigènes, remarquant l’allure incertaine du bâtiment et la confusion qui un instant s’est produite sur le pont, crurent sans doute l’occasion propice et l’heure favorable pour une fructueuse opération. Avec une prestesse sans pareille, des pirogues remplies d’hommes armés quittent le

  1. Cap Table.
  2. Les indigènes la nomment Tahowray.