Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répandues en grand nombre près de la mer. Tandis que le navire anglais suit le rivage, se renouvellent des scènes pareilles à celles qui ont été décrites. Les naturels, tous armés, s’approchent d’une façon menaçante, paraissant n’avoir rien appris sur les étrangers ; on les effraie avec un coup de canon. Ailleurs ils viennent sans armes et trafiquent à peu près honnêtement, mais de temps à autre une insolence ou un vol amène un conflit. Dans certaines rencontres, les indigènes témoignent des dispositions amicales, ils conversent avec Tupia de la façon la plus gracieuse et, en véritables traîtres, ils finissent par lancer des pierres. Une haute montagne arrondie, isolée au milieu d’une vaste plaine, attire de loin les regards ; on l’appellera désormais le mont Edgecombe. Au-delà, le pays est médiocrement élevé, les bois clair-semés, les cultures étendues, les villages nombreux. Ces villages, plus considérables que ceux déjà observés par l’expédition anglaise, établis sur des éminences voisines de la mer, sont défendus du côté de la terre par un fossé, un glacis et une enceinte de pieux ; quelques-uns sont pourvus d’ouvrages avancés. Ainsi en maint endroit on redoute les attaques de ses voisins. Après le pays joli, verdoyant, couvert d’habitations, c’est, sur un long espace, la contrée stérile et désolée. De la plage déshéritée, on vit un matin s’avancer trois pirogues montées par une vingtaine d’hommes. Les embarcations étaient d’une simplicité toute primitive, chacune consistait en un tronc creusé par le feu. Les hommes, presque nus, avaient la peau très brune ; malgré leur petit nombre et leur faiblesse, ils entonnent le chant de guerre et gesticulent de manière à paraître terribles. Tout à coup, ils s’arrêtent et cessent de se montrer hostiles ; ils accostent le navire. De la meilleure grâce un matelot anglais jette une corde comme invitation à monter à bord ; un coup de lance, qui par bonheur manque le but, est la réponse à cette courtoisie ; un autre glaive tombe sur le pont. Il fallut recourir aux coups de fusil pour déterminer ces aimables visiteurs à s’en aller. Le soir, on entrait dans une baie ; des hommes de la même race que les premiers suivent de près dans leurs pirogues en gardant une tenue fort convenable ; il y eut échange de bons procédés. Néanmoins, la nuit venue, les sauvages tentent d’enlever la bouée de l’ancre ; les coups de fusil tirés pour les effrayer les rendent furieux, ils menacent de revenir en force le lendemain et de tuer tout le monde. Pendant la nuit, ils essayèrent de surprendre l’équipage qu’ils croyaient endormi. Désappointés, ils arrivèrent au point du jour, au nombre d’environ cent cinquante, bien armés. Ils étaient tout proches du navire ; Tupia, les ayant assurés de leur impuissance, les pria de se bien comporter. On offrit a ces malheureux d’acheter leurs armes : comme à l’ordinaire, le défaut de loyauté