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que M. de Rossi a étudiées avec beaucoup de soin. L’une d’elles représente une scène qui, dans la suite, doit inspirer fréquemment l’art chrétien. La Vierge est assise sur un siège élevé, avec l’enfant Jésus sur les genoux, tandis qu’en face d’elle les trois mages, la tête couverte d’une sorte de bonnet phrygien, viennent lui apporter leurs présens. C’est un tableau bien composé, qui révèle une bonne époque et un artiste habile. Malheureusement les couleurs en sont très effacées, et l’on n’aperçoit plus guère aujourd’hui que les contours des personnages. Il n’en est pas de même d’une autre fresque, voisine de celle-là, et qui, par bonheur, s’est mieux conservée. Elle est connue depuis le siècle dernier, où elle fut découverte par Boldetti, mais M. de Rossi en a donné le premier une copie exacte. Elle contient cinq personnages, deux hommes et trois femmes, les mains levées, dans l’attitude de la prière ; une inscription, placée à côté de chacun d’eux, nous fait savoir son nom. Ils sont tous magnifiquement vêtus ; les femmes surtout portent des colliers de perles et des tuniques de pourpre. Comme leur nom ne semble guère aristocratique, il paraît probable que le peintre ne les a si richement habillées que pour faire entendre que ce sont des âmes bienheureuses et qu’elles jouissent « de la présence du Christ. » Les fleurs et les fruits, qui sont prodigués autour d’elles, nous indiquent qu’elles habitent la demeure céleste. On a voulu nous dépeindre ce jardin de délices que Félicité aperçut dans un rêve, quelques jours avant de mourir, et qu’elle décrivit à ses compagnons de captivité, pour leur donner un avant-goût du paradis. Des deux côtés du tableau sont placés deux paons, symbole d’immortalité. Des oiseaux, posés sur les bords de vases pleins d’eau, viennent y boire : ils représentent les pauvres âmes altérées en ce monde de justice et de bonheur et qui viendront s’en rassasier au ciel. C’est la traduction matérielle de ce souhait du « rafraîchissement » que nous lisons si souvent sur les tombes chrétiennes. Les figures, surtout celle de Dionysias que le temps a mieux respectée que les autres, respirent la paix, la douceur, la béatitude. M. de Rossi a raison de croire qu’elles ne peuvent pas être postérieures à l’époque de Dioclétien. On n’y voit rien qui indique la reproduction servile de types consacrés ou qui rappelle la raideur byzantine. Toutes ces peintures montrent avec quelle aisance le christianisme s’était accommodé de l’art antique ; elles laissent entrevoir comment il en aurait continué les traditions, tout en l’appropriant à son génie, si les barbares n’étaient venus interrompre l’œuvre commencée.

Après avoir achevé l’étude minutieuse de toutes ces cryptes dont l’ensemble compose le cimetière de Calliste, M. de Rossi n’a pas pensé que sa tâche fût finie. Au-dessus des hypogées et sur le sol