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actes accomplis pendant les Cent jours. Durant les jours précédens, le maire avait retiré à Trestaillons le commandement de sa compagnie et incorporé celle-ci dans la garde nationale. Malheureusement il n’osa éloigner l’ancien miquelet, qui garda son uniforme et ses épaulettes et put continuer ses exploits dans la ville et surtout dans les environs, à la faveur des nombreuses expéditions qui avaient lieu dans la Gardonnenque, afin de soumettre et de pacifier cette contrée.

Cependant le gouvernement, qui avait hâte de substituer partout un état définitif à l’état provisoire créé par les commissaires extraordinaires du roi, et qui comprenait que ceux-ci n’étaient que trop disposés à partager les passions des populations parmi lesquelles ils vivaient, révoqua leurs pouvoirs, ce qui causa dans la plupart des départemens un conflit presque immédiat. Il désigna pour aller occuper la préfecture du Gard le marquis d’Arbaud de Jouques, ancien préfet de La Rochelle, dont on vantait la modération et la fermeté. Ce fonctionnaire, arrivé à son poste le 29 juillet, se heurta contre un obstacle inattendu : la résistance du comte de Bernis et du préfet provisoire, marquis de Calvières, lesquels tenant leurs pouvoirs du duc d’Angoulême ne voulurent pas s’en dessaisir. Dès le 21 juillet, M. de Calvières, en apprenant qu’un successeur lui était donné, écrivait au ministre de l’intérieur : « Nommé par M. le commissaire à la même préfecture, le 3 juillet courant, j’ai tout exposé et tout sacrifié pour le service du roi et le bien de mon pays. Je supplie votre excellence de me faire parvenir les ordres du roi à cet égard. Je pense de mon devoir, dans les circonstances présentes, d’attendre la décision de sa majesté[1]. » Le marquis d’Arbaud de Jouques arriva à Nîmes avant la réponse sollicitée par le marquis de Calvières, et ce dernier refusa de lui céder son poste. Au lieu d’exiger une soumission immédiate, M. d’Arbaud de Jouques résolut de se rendre à Toulouse auprès du duc d’Angoulême, afin de le faire juge des prétentions du préfet provisoire. Il partit en même temps que M. de Bernis, après avoir fait afficher une proclamation rappelant énergiquement tous les citoyens au respect des lois, et dans laquelle malheureusement il semblait reconnaître, non la légitimité des crimes commis au nom de la cause royale, mais la légitimité des colères qui les avaient fait commettre. Son départ, qui fut ultérieurement blâmé comme un acte de faiblesse par le ministre de l’intérieur, favorisa de nouveaux désordres. La population ne prenait pas aisément son parti de la révocation du marquis de Calvières, qu’elle considérait comme une manœuvre révolutionnaire et une injure aux chefs royalistes qui possédaient sa confiance.

  1. Archives nationales. Dossier des événemens du Midi en 1815.