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chose l’indifférence sceptique ; autre chose le doute mystique, autre chose le doute scientifique et rigoureusement philosophique : or tout nous confirme que le doute de Pyrrhon a bien eu ce dernier caractère. Enfin il est prouvé que la doctrine de la maia ou du monde illusion a beaucoup d’analogie avec la philosophie éléate, mais cette doctrine paraît d’origine assez récente dans le système védanta, et le système védanta est un des moins anciens des systèmes indiens ; cette doctrine d’ailleurs est une de celles qu’il est le plus facile d’expliquer par une rencontre, car quoi de plus conforme à la nature de l’esprit humain, aussitôt qu’il philosophe, que de concevoir l’être comme existant seul, et le monde comme une apparence ?


IV

Il ne nous reste plus à examiner que la doctrine chaldéo-égyptienne, défendue par M. Ed. Röth, l’adversaire le plus décidé et le plus systématique du génie grec en philosophie. Selon cet auteur, la philosophie grecque, depuis Thalès jusqu’à Platon inclusivement, a manqué entièrement de spontanéité et d’originalité. Elle ne serait pas née, suivant lui, de la contemplation immédiate des choses, mais d’une tradition extérieure plus ou moins bien comprise. Avec Aristote seulement aurait commencé une philosophie vraiment grecque, avec un caractère entièrement original, à savoir l’esprit scientifique. Jusque-là, ce n’est que l’ancienne mythologie orientale, maladroitement transformée par l’imagination grecque, qui aurait fait tous les frais des systèmes de philosophie. Tous ne sont que les démembremens, les parties d’un grand système général antérieur, à savoir le système égyptien, combiné avec le système zoroastrique.

Sur quoi s’appuie l’auteur pour affirmer une thèse aussi nouvelle et aussi excessive ? Il dit d’abord que les hellénomanes, comme il les appelle, les admirateurs enthousiastes et exclusifs du génie grec, défendent l’impossible lorsqu’ils attribuent à ce génie tout seul la création d’un si vaste système d’idées. Ce serait une sorte de miracle, dit-il, qu’on n’aurait vu nulle part ailleurs qu’une telle création ex nihilo sortant ainsi de toutes pièces de l’âme d’un seul peuple. En outre, toute philosophie naît d’une religion. C’est là la source ordinaire des systèmes philosophiques. Or, en Grèce, la religion n’a eu que très peu d’influence sur la philosophie. La religion grecque en effet, quoique sortie, suivant M. Röth, d’une source tout égyptienne, avait été transformée par l’esprit grec. Cet esprit éminemment politique et qui donnait à l’individu une si haute importance dans la cité était porté à ramener toutes choses au point de